Paris : Fontaine Médicis au jardin du Luxembourg, les multiples métamorphoses d'une icône - VIème



La fontaine Médicis, prisée pour son charme par les photographes du monde entier, attire sur ses rives étudiants, flâneurs et amoureux tout au long de l’année. Le couple de marbre tendrement enlacé de son motif central prête aux doux sentiments. L’ombre bienfaisante de sa double allée de platanes lui confère une quiétude heureuse. Classée par liste de 1889 aux Monuments historiques, la fontaine Médicis a tout d’abord été la grotte du Luxembourg, une construction artificielle inspirée par la grotte de Buontalenti du Palais Pitti, où la reine-mère Marie de Médicis (1575-1642) a vu le jour. Au lendemain de la mort d’Henri IV, sa veuve, la régente de France jusqu’en 1614, souhaite faire construire une résidence à Saint-Germain-des-Prés dans le style florentin, en souvenir de sa ville natale. En 1611, elle fait l’acquisition de l’hôtel particulier de François de Piney, duc de Luxembourg. Pour donner de plus royales proportions au domaine, elle achète des terrains aux alentours. De 1612 à 1614, l’architecte Salomon de Brosse s'attèle à la conception des plans. Pour son nouveau Palais du Luxembourg, Marie de Médicis souhaite que le jardin égale en beauté celui de Boboli. Elle imagine déjà de nombreux bassins, fontaines, nymphées, terrasses et grottes à l’instar de la grotte du Luxembourg, future fontaine Médicis. 











L’ingénieur hydraulicien florentin Tommaso Francini (1571-72 / 1651) dont le nom est francisé en Thomas Francine supervise les travaux de mise en eau du Palais du Luxembourg. Il est charge de créer d’un nouvel aqueduc, dit de Rungis, qui reprend quasiment le tracé de l’ancien aqueduc de Lutèce datant de l’époque gallo-romaine.  Cette nouvelle voie d’eau va permettre l'alimentation du palais et de ses espaces verts. Le premier regard est posé à Rungis d’où l’eau est acheminée en 1613 et l’aqueduc est mis en service en 1623. Souterrain, il est toujours en activité, géré par Eau de Paris. 

La grotte du Luxembourg, construction primitive du XVIIème siècle, future fontaine Médicis au XIXème siècle, est souvent attribuée à l’architecte du palais, Salomon de Brosse. Il semblerait néanmoins que l’ingénieur Francine soit le véritable auteur des plans de la grotte. La réalisation originelle est très semblable à un nymphée réalisé par Francine au château de Wideville dans les Yvelines en 1636. Son frère Alessandro, avec lequel il collabore étroitement, est l’auteur d’un traité d’architecture datant de 1631 dont certaines planches rappellent cette même composition. Le maître maçon Jean Thiriot est chargé des travaux. 

Cette première grotte ressemble plutôt à une façade, haute de 14 mètres, large de 12, agrémentée de trois niches en cul de four destinée à masquer les bâtiments de la rue d’Enfer auxquels elle est adossée. Les niches sont séparées par quatre colonnes d’ordre toscan au fût bagué orné de bossages et congélations. La grotte est couronnée d’un grand fronton frappé aux armes de France et des Médicis. Surmonté de pots à feu, il est encadré de deux figures allégoriques couchées représentant le Rhône et la Seine créées par le sculpteur Pierre Biard (1592-1661). Les deux côtés de la grotte mur en pierre de taille sont décorées de fausses arcades. La niche centrale se prolonge d’un bassin qui pour le moment reste au sec.











En 1799, le Palais du Luxembourg devient le siège du Sénat conservateur. L’architecte Jean-François Chalgrin (1739-1811) mène une grande campagne de restauration qui concerne aussi bien les bâtiments que le jardin. Il transforme la grotte du Luxembourg en fontaine. Le petit bassin situé au-devant est enfin alimenté en eau. Francisque Duret (1804-1865), Claude Ramey (1754-1838) et Talamona remplacent par de nouvelles œuvres les figures allégoriques de Biard, irrémédiablement abîmées. Les armes royales mêlées à celles des Médicis sont remplacées par un rectangle à congélations. Une petite vénus en marbre est placée dans la niche centrale. Dans les années 1850, la fontaine Médicis est isolée des constructions auxquelles elle était adossée. Les murs de part et d’autre sont rasés. 

Sous le Second Empire, à l’occasion des grands travaux d’urbanisme dirigés par le préfet de la Seine, le baron Haussmann, elle connaît de drastiques changements. Le percement de la rue de Médicis se fait alors aux dépens du jardin du Luxembourg. Malgré une proposition alternative épargnant palais et espaces verts, soutenue par le Sénat et Alphonse de Gisors architecte du palais, les travaux débutent en 1861. Une partie des dépendances est détruite et la fontaine est tout simplement déplacée. Elle est démontée pierre par pierre et remontée trente mètres plus loin en 1862. Alphonse Gisors fait creuser le vaste bassin rectangulaire que nous connaissons, long d’une cinquantaine de mètres bordé de deux balustrades surmontées de vases en pierre.












Sous l’impulsion de Gisors, de nouvelles sculptures sont commandées à Auguste Ottin (1811-1890) qui imagine le groupe Polyphème surprenant Acis et Galathée pour la niche centrale. Le cyclope amoureux de la nymphe, massive statue de bronze, jette un regard maladivement jaloux sur le couple enlacé, délicate oeuvre en marbre blanc. La scène observée depuis les niches latérales par un faune et une chasseresse, Pan et Diane. Au fronton, les armes de France et des Médicis retrouvent leur place.

A l’occasion du percement de la rue de Rennes, Gisors dote la fontaine d’une façade arrière, une sorte de fontaine bis. Celle-ci reçoit un bas-relief, vestige de la fontaine située à l’angle de la rue du Regard et de Vaugirard détruite du fait des grands travaux haussmanniens. La fresque sculptée par Achille Valois en 1807, représente Léda et Zeus changé en cygne pour la séduire. Elle est complétée par un fronton aux deux naïades, oeuvre du sculpteur Klagmann

Fontaine Médicis
Jardin du Luxembourg - Paris 6



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Paris de fontaine en fontaine - Jacques Barozzi - Parigramme
Le guide du promeneur 6è arrondissement - Bertrand Dreyfuss - Parigramme

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