Lundi Librairie : Cape May - Chip Cheek



Cape May - Chip Cheek : A la fin des années 1950, à Cape May, petite station balnéaire du New Jersey, les distractions se font rares hors saison. Tout juste mariés, Effie, dix-huit ans et Henry, vingt ans, ont grandi dans la même petite ville de Georgie. Ils se connaissent depuis toujours et sont très ignorants des choses de la vie. Ils ont choisi de passer leur lune de miel dans la maison prêtée par un vieil oncle grincheux où Effie conserve de beaux souvenirs d’enfance. En tête à tête avec eux-mêmes, la timidité prévaut dans leur nouvelle intimité. Et le manque d’activités tourne à l’ennui rapidement au point qu’ils envisagent d’écourter leurs vacances. Mais attirés par les bruits d’une activité festive dans la villa voisine, ils vont frapper à la porte. C’est Clara, une ancienne amie de la cousine d’Effie, qui les accueille. Amusée par la naïveté du jeune couple, l’élégante new-yorkaise mariée à un homme riche plus âgé les convie à se joindre à eux pour une soirée où l’alcool coule à flot. Beatniks envapés, cadets des gardes côtiers en vadrouille, dandy en smoking, femmes peu farouches, il règne une atmosphère de liberté sexuelle, d’élégance décadente. Effie et Henry sont fascinés par cet autre milieu social, plus aisé, plus sophistiqué. A l’invitation de Clara, ils décident de prolonger leur séjour en compagnie de Max, un playboy écrivain, l’amant de Clara et d’Alma sa jeune demi-sœur. 

Initiation aux plaisirs, éveil des sens, sur fond d’histoire de désir et de découverte sexuelle, Chip Cheek nous parle de la transformation de la société. Le couple trop sage, voir un peu coincé des jeunes ruraux du sud, l’ancien monde, se laisse éblouir par le lustre de ces New-yorkais libérés, dont le goût pour les divertissements est soutenu par une aisance financière garante de leur style de vie. Désinhibés par l’alcool, par les drogues, séduits par l’extravagance de Clara et Max, Effie et Henry se laissent happer sans bien saisir les conséquences de leurs actes, terrible leçon de vie et redoutable réflexion sur le mariage.

Les soirées animées et les créatures délurées de ce monde cosmopolite et décadent qui annoncent les prémisses de la révolution sexuelle possèdent ce frisson unique de la nouveauté. Beuveries, excès des sens, sous l’impulsion de leurs nouveaux amis, la ville se transforme en terrain de jeu. Ils se faufilent dans les maisons désertées par leurs propriétaires, se promènent nus sous les étoiles.  Les enfants naïfs éblouis par le semblant de liberté des hédonistes mondains perdent leurs repères et laissent s'exprimer une libido brimée par l’ordre moral ancien. 

Prose fluide, précise, plume sensible, Chip Cheek dresse un décor de station balnéaire comme une bulle hors du temps à l’atmosphère délicieusement surannée. Avec précision, il travaille les contrastes entre ses personnages avec un sens piquant du détail, l’art de la petite réflexion cruelle. Alors que l’intensité des intuitions psychologiques se précise, la structure narrative fait subtilement dériver le récit d’une sensation de légèreté vers l’accroissement des tensions jusqu’à la possibilité du drame de plus en plus prégnante. Délicieux. Un premier roman piquant.

Cape May - Chip Cheek - Traduction Marc Amfreville - Editions Stock - Collection La Cosmopolite



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.