Spectacle : Constance - Pot-pourri - Théâtre des Deux Ânes



Dans un spectacle à sketchs, rafraîchissant en ces temps de tout stand-up, Constance s’attaque aux névroses de l’époque. Grimée, elle change de costume à chaque récit, l’humoriste interprète une galerie de personnages féminins déjantés, neuf femmes représentatives d’un sujet de société. Sous ses allures de jeune fille sage, elle pratique un humour cru, cynique et lucide, aussi loufoque que décalé. Elle a l’art d’incarner les histoires les plus abominables avec ingénuité. L’écolière psychopathe préfère devenir "alcoolo parce que comptable, ça a l’air chiant". La bonne sœur d’un nouveau genre nous assure que "la sainte verge veille sur nous ainsi que sur son fist bien aimé". L’amoureuse des mots érotomane aime "les mots, tous les mots, les longs, les courts, les sales, les durs" elle aime "avoir des mots plein la bouche". La mère castratrice traumatise son enfant de huit ans en le culpabilisant. Constance questionne le statut des femmes, interroge les travers de ses contemporains et l’absurdité de la condition humaine.





Constance, de son nom complet Constance Pittard, est originaire de Picardie. A huit ans, elle découvre le théâtre et dès lors ne quitte plus les planches. Bac littéraire en poche, elle intègre le Conservatoire d’art dramatique de Lille. Révélée au grand public dans l’émission de Laurent Ruquier, On ne demande qu’à en rire, elle revient ensuite à la télévision dans une série de pastilles courtes pour Téva. Aujourd’hui, chroniqueuse dans l’émission Par Jupiter sur France Inter, celle qui revendique haut et fort son indépendance signe ici un cinquième spectacle autoproduit, florilège de sketchs qui l’ont fait connaître et de nouveautés pas piquées des hannetons. 

Textes très écrits et provocation maîtrisée, Pot-pourri met en exergue un humour noir, fort abrasif. Plume très verte, trempée dans le vitriol, Constance ne boude pas ses notes d’absurde. Elle ose la trivialité, l’obscénité et sur le fil ne sombre jamais dans la vulgarité. Le propos est incisif. La forme crue. Et c’est savoureux. Il y a la mère de famille débordée par ses marmots, qui a "un fils pas timide mais con" et un autre "Nicolas qui met sa brosse à dents dans ses fesses". La fillette, digne héritière de Mercredi Adams, "qui veut travailler avec des animaux dans un abattoir". Et puis la mère qui promet à son fils de 8 ans, "irresponsable, égoïste et obèse" qu’il sera "celui qui suce des queues de routiers à la chaîne" s’il continue à ne pas l’écouter. La religieuse qui affirme que "l'amour que pénis nous porte est inébranlable". 




L’humoriste aime visiblement les gens pour croquer aussi bien des personnalités si différentes. Son empathie est totale et son talent d’interprétation évident tant elle glisse avec naturel d’un personnage à l’autre. Belle présence en scène et sens du détail, Constance devient une autre par la subtilité d’une attitude, les nuances d’un changement de diction. Tour à tour abominables, cruelles, touchantes, perchées, émouvantes, ses créatures de fiction, hautes en couleurs, possèdent toutes une qualité de folie douce réjouissante. 

A travers ses mises en situation, Constance épingle les tristes réalités de notre époque, dynamite avec fracas la bien-pensance, fait voler en éclat les puritanismes moralisateurs. Fausse ingénue, son ton primesautier se heurte à la crudité radicale des mots. Elle dit les pires horreurs, libère la parole sur des sujets sensibles et prolonge une réflexion décapante dans un sourire candide. J’adore !

Constance - Pot-pourri
Tous les mardis à 20h30
Jusqu’au 30 avril 2019

Théâtres des Deux Ânes
100 boulevard de Clichy - Paris 18
Tél réservations : 01 46 06 10 26



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.