Le Musée de la Sculpture en plein air, installé depuis 1980 dans le jardin Tino Rossi mais relativement méconnu, se cache au bord de l’eau derrière les imposants bâtiments de l’université de Jussieu. A ciel ouvert, ce musée de la Ville de Paris sort les œuvres de leur réclusion compassée pour les offrir sans filtre au public. Ici pas de gardien désagréable, ni d’exploration cérémonieuse, les visiteurs sont en contact direct avec les collections. Cette proximité, la possibilité d’approcher au plus près des sculptures, de les toucher, excite naturellement la curiosité intellectuelle. Les enfants s’approprient volontiers les pièces pour y jouer, un lecteur s’adosse à l’une d’elle sans plus de façon, une passante s’accoude sur une autre afin de profiter d’un rayon de soleil. Intégré au quotidien, cet art contemporain pas toujours bien perçu trouve dans cette proposition sensible et sensorielle un formidable moyen de promotion. Avec le musée de la Sculpture en plein air, l’art sort du cadre et envahit la ville. Visite originale hors les murs, cette promenade artistique se révèle à la fois bucolique et urbaine.
Belt II (1972) - Kyubei Kiyomizu |
Sans titre (1988) - Bernard Pagès |
Structure Pleine E-12 (1973) - Ervin Patkaï |
Coeur de Gaucho (1952) - Sesostris Vitullo |
Stèle (1977) - Liuba Kirova |
Hydrorrhage (1975) - Jean-Robert Ipoustéguy |
Abellio (1971-73) - Aglae Liberaki |
Interpénétration des deux espaces (1975) - Guy de Rougemont |
Melmoth (1966) - Reinhoud d'Haese |
Le quai Saint Bernard, ancien port de débarquement des vins entreposés dans la Halle voisine, est devenu à la suite de l’abandon du projet de voie rapide des berges de Seine une promenade plantée particulièrement agréable aux beaux jours. Baptisée jardin Tino Rossi, elle a été aménagée de 1975 à 1980 par l’architecte Daniel Badani (1914-2006).
Lieu de rencontres culturelles et musicales, l’espace vert les pieds dans l’eau court sur près de deux hectares, entre le pont de Sully, au pied de l’Institut du monde arabe et le pont d’Austerlitz, à l’entrée du jardin des Plantes. Imaginé en 1980, le musée de la Sculpture en plein air, sous la houlette de Marie-Claude Dane (1919-2006) alors conservatrice en chef des Musées de Paris, y a trouvé tout naturellement sa place.
Animal 82 (1982) - Liuba Kirova |
Fiesole (1965-67) - Sorel Etrog |
La Grande Fenêtre (1974) - Agustin Càrdenas |
Neptune II (1969) - François Stahly |
Le Grand Signe (1970) - Marta Colvin |
Demeure I (1954-58) - Etienne Martin |
Demeure I (1954-58) - Etienne Martin |
La rive découpée en petits amphithéâtres est très appréciée des flâneurs. La promenade ponctuée de silhouettes aussi singulières qu’incongrues ne dévoile ses véritables trésors artistiques qu’à condition de se laisser guider par la curiosité. Les sculptures dispersées le long des allées, disséminées sur les pelouses, plantées au bord de l’eau, appartiennent à cette forme de collections vagabondes dont la vocation est d’aller à la rencontre d’un public réfractaires aux institutions culturelles.
Ce musée, loin des cimaises poussiéreuses, déploie un échantillon représentatif de l’avant-garde de la seconde moitié du XXème siècle. Sculpture abstraite, cinétique, minimaliste évoque puissamment l’expérience artistique de cette période. Le catalogue des œuvres assume une vocation internationaliste. De nombreux pays sont représentés, Cuba avec Agustin Càrdenas, l’Argentine avec Sesostris Vitullo, la Bulgarie avec Liuba Kirova, le Chili avec Marta Colvin, la Hongrie avec Ervin Patkaï, la Grèce avec Aglaé Liberaki, la Roumanie avec Sosel Etrog, l’Ecosse avec Michael Noble, le Japon avec Kyubei Kiyomizu….
Granit (1979) - Ruggero Pazzi |
Sculpture (1969) - Marta Pan |
Structure architecturale (1973) Francesco Marino Di Teana |
Mind Accumulation (1988) - Micha Laury |
Chronos 10 (1978) - Nicolas Schöffer |
Chronos 10 (1978) - Nicolas Schöffer |
Les œuvres accessibles jour et nuit, exposées sans clôture, ni barrière, subissent inévitablement des dégradations et des actes de vandalisme. Victimes des graffitis, les sculptures, régulièrement enlevées pour entretien, ne réapparaissent pas toujours. Sur les 37 du catalogue, je n’en ai trouvé que 24 exposées. Les pièces les plus prestigieuses signées Brancusi, César, Zadkine, Gilioli ont été déplacées ailleurs ou tout simplement remballées dans les réserves de la Ville.
Parmi les rescapées, "Demeure I" d’Etienne Martin, rénovée récemment et donc presque indemne s’affirme comme la pièce maîtresse de la collection aux côtés de "La Grande Fenêtre" d’Agustín Cárdenas, dont le marbre blanc est malheureusement recouvert de gribouillis infâmes.
Ochicagogo (1975) - Antoine Poncet |
L'homme aux semelles devant - Jean-Robert Ipoustéguy |
Birth Bath (1969-71) - Michael Noble |
La Porte éclatée (1965) - Michel Guino |
Perchée sur une petite colline, la sculpture Chronos 10 de Nicolas Schöffer offre un bel exemple d’art cinétique. L’homme aux semelles devant de Jean-Robert Ipoustéguy, qui se trouvait encore il y a peu place du Père-Teilhard-de-Chardin, oeuvre à laquelle j’avais consacré un article ici et dont la disparition semblait émouvoir le public, vient de réapparaître sur les rives de la Seine au cœur de ce musée en plein air.
Musée de la Sculpture en plein air
Jardin Tino Rossi - Port Saint Bernard - Paris 5
Liste des œuvres exposées
Abellio, Aglaé Libéraki (1971-1973)
Animal 82, Liuba Kirova (1982)
Belt II, Kyubei Kiyomizu (1972)
Bird Bath, Michael Noble (1969-1971)
Chronos 10, Nicolas Schöffer (1978)
Cœur de gaucho, Sesostris Vitullo (1952)
Demeure I, Étienne-Martin (1954-1958)
Fiesole, Sorel Etrog (1965-1967)
Le Grand Signe, Marta Colvin (1970)
La Grande Fenêtre, Agustín Cárdenas (1974)
Granit, Ruggero Pazzi (1979)
Hydrorrhage, Jean-Robert Ipoustéguy (1975)
Interpénétration des deux espaces, Guy de Rougemont (1975)
L’homme aux semelles devant, Jean-Robert Ipoustéguy (1984)
Melmoth, Reinhoud d'Haese (1966)
Mind Accumulation, Micha Laury (1988)
Neptune II, François Stahly (1969)
Ochicagogo, Antoine Poncet (1979)
La Porte éclatée, Michel Guino (1965)
Sans titre, Bernard Pagès (1988)
Sculpture, Marta Pan (1969)
Stèle, Liuba Kirova (1977)
Structure architecturale, Francesco Marino Di Teana (1973)
Structure pleine E. 12, Erwin Patkai (1973)
Sculptures déplacées ailleurs
Homme au bras levé, Olivier Brice (1973) : déplacée place du Caire - Paris 2
Naissance des formes, Ossip Zadkine (1958) : déplacée allée Georges Besse Paris 14
Sculptures manquantes, déplacées pour rénovation ou replacées dans les réserves
L'Arbre de vie, Céline Chalem (1973)
Baveno, François Stahly (1967-1968)
Black Cement, Jene Highstein (1978)
Esprit, Eau et Sang, Émile Gilioli (1973)
Groupe de figures, Sklavos (1960)
Marseille, César (1960)
Mère cathédrale, Parvine Curie (1972-1980)
Sans titre, Albert Féraud (1979)
Shining Wings, Yoshikuni Iida (1981)
Signes, personnages, Olivier Debré (1962)
Table de pierre, Constantin Brancusi (1920-1948)
Torse rouge, Claude Cehes (1983)
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
Bibliographie
Guide des statues de Paris - Georges Poisson - Les guides visuels Editions Hazan
Grammaire des jardins parisiens - Dominique Jarrassé - Parigramme
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