Expo : Les Nadar, une légende photographique - Bibliothèque nationale de France - Jusqu'au 3 février 2019

Paul Nadar / Stéphane Mallarmé, 1897 BnF, département des Estampes et de la photographie

La Bibliothèque nationale de France consacre une grande exposition aux Nadar, pionniers de la photographie. Véritable saga familiale, l’histoire de l’atelier Nadar est marquée par trois personnalités, Félix Tournachon dit Nadar (1820-1910), son frère Adrien Tournachon (1825-1903) et son fils Paul Nadar (1856-1939). Peintres, dessinateurs, inventeurs, journalistes, chroniqueurs de leur temps, familiers des milieux intellectuels et politiques, ces trois hommes ont su entretenir des relations privilégiées avec les figures emblématiques du XIXème siècle, relations qui ont donné naissance à des portraits devenus iconiques. L’exposition orchestrée par Sylvie Aubenas, directrice du département des estampes et de la photographie de la Bnf, et Anne Lacoste, historienne d’art, retrace sur près d’un siècle l’étonnante légende du plus célèbre des ateliers photographiques. Les trois-cent pièces présentées interrogent l’héritage des débuts de la photographie à l’aube de la modernité. Issues des fonds Nadar de la Bnf, acquis au décès de Marthe Tournachon Nadar, fille de Paul, en 1948, elles ont été complétées par des prêts exceptionnels du Metropolitan Museum de New York, du Getty Museum de Los Angeles et du Musée d’Orsay. Documents d’archives, épreuves photographiques originales, dessin, estampes, peintures, objets divers soulignent à quel point l’innovation technique était au cœur des travaux photographiques des Nadar.


Adrien Tournachon dit Nadar jeune, Félix Tournachon Nadar, Paul Tournachon Nadar


En 1851, l’invention du négatif sur verre réduit le temps de pose et permet de reproduire des portraits nets. La photographie sur papier prend le relais du déjà dépassé dispendieux daguerréotype qui ne faisait que dans la pièce unique. Ces nouveautés techniques participent de la diffusion de la photographie et favorise l’ouverture des célèbres ateliers des grands boulevards.

Romancier, caricaturiste, patron de presse, entrepreneur, homme de science, Félix Nadar est déjà célèbre avant de devenir le portraitiste du siècle. Il ne s’attelle à la photographie qu’en 1854, un peu par hasard. En 1852, il entreprend de réaliser « le Panthéon Nadar » une vaste frise lithographique de 8 mètres sur 11 représentant deux cents cinquante écrivains et journalistes du monde littéraire. Afin d’inspirer les caricatures, il a l’idée de demander des portraits photographiques à ses futures modèles. 

Peu à peu, Félix Nadar réalise qu’il serait plus simple que les portraits en question soient réalisés en famille. Et il envoie son frère, le peintre Adrien Tournachon en formation chez le photographe Gustave Le Gray avant de s’intéresser lui-même à la technique de ce nouveau médium. Fort d’un sens de la communication innée et d’un entregent remarquable, Félix Nadar fonde l’atelier Nadar en 1855.


Félix Nadar / Alexandre Dumas, 1855
BnF, département des
Estampes et de la photographie 
Félix Nadar / Charles Baudelaire, 1862
BnF, département des
Estampes et de la photographie 


Félix Nadar et sa femme Ernestine vers 1863
BnF, département des
Estampes et de la photographie 
Félix Nadar, Main du banquier, 1861
BnF, département des
Estampes et de la photographie


Paul Nadar / Joséphine Baker, vers 1930
BnF, département des
Estampes et de la photographie 
Nadar jeune / Gustave Doré, vers 1854
BnF, département des
Estampes et de la photographie




Alors que les grands ateliers de Pierre Petit, Mayer et Pierson, Adam Salomon font dans le notable officiel, l’entourage de la cour, les hauts fonctionnaires, Félix Nadar, républicain convaincu, anti-bonapartiste farouche, anticlérical déclaré, développe un lien particulier avec les acteurs de la vie culturelle, artistique ainsi qu’avec certains politiques d’orientation plutôt révolutionnaires tels que Mikhail Bakounine, Armand Barbès, Michel Blanc. Dans son atelier, il immortalise les plus grands esprits de son temps, instantané de l’âge d’or parisien, Charles Baudelaire, George Sand, Alexandre Dumas, Gérard de Nerval, Stéphane Mallarmé, Théophile Gautier, Eugène Delacroix, Gustave Courbet, Honoré Daumier, Sarah Bernhardt.

A ces côtés, son demi-frère Adrien Tournachon, l’artiste bohème fort prisé de la critique de son temps - il remporte un franc succès à l'exposition universelle de 1855 avec sa série des Pierrots incarnés par le mime Deburau - se fait appeler Nadar le jeune jusqu’en 1857 date à laquelle après une brouille et un procès Félix obtient l’exclusivité du pseudonyme. De nombreuses œuvres photographiques d’Adrien seront attribuées à son frère aîné, Félix et l’exposition réhabilite le cadet, lequel abandonnera cette pratique pour se consacrer à la peinture. 

Le fils de Félix, Paul Nadar, apparaît comme la troisième tête pensante de cette dynastie, figure de l’entrepreneur moderne, visionnaire. Tandis que la scénographie ausculte points communs, différences entre les trois hommes, sur fond de collaborations et rivalité, fâcheries et réconciliation, Ernestine, épouse de Félix et mère de Paul retrouve sa place essentielle d’émissaire de la paix, de facilitatrice des relations que la postérité avait négligé.


Félix Nadar / Sarah Bernhardt,1864
BnF département des
Estampes et de la photographie
 Paul Nadar / Sarah Bernhardt, 1883
BnF, département des
Estampes et de la photographie 




Dans les ateliers de cette entreprise à la pointe de la modernité, des techniques audacieuses ont vu le jour.  Visionneuse 3D par combinaison d’écrans et de réflecteurs, premières épreuves prises depuis la portière d’un train en marche, font partie des innovations instiguées par les Nadar. Dès 1856, Adrien Tournachon s’intéresse au processus d’agrandissement. A partir de 1859, Félix Nadar expérimente l’éclairage artificiel. 

La conquête des airs qui fascine Félix le pousse dès 1858 à déposer un brevet pour l’usage de la photographie au lever des plans topographiques et aux opérations stratégiques militaires, projet que Paul suivra en poussant le ministère de la Guerre à adopter la photographie aérostatique par le ministère de la Guerre. Sous l'impulsion de Paul, toujours, l'atelier est le premier distributeur des premiers petits appareils instantanés Kodak destinés aux amateurs. En 1880, avec le développement des films souples, l’atelier Nadar devient le représentant exclusif de la compagnie Eastman. 

En quête perpétuelle de nouveautés sur les plans technique, artistique, commercial, les Nadar ont inventé la photographie moderne. En saisissant toutes les spécificités de ce nouveau médium, ils sont devenus les témoins privilégiés de la transformation des temps, des opportunités du siècle et de la modernité naissante avec l’avènement de la société du spectacle, le développement de la presse, de la publicité, de la finance. 

Les Nadar : une légende photographique
Jusqu’au 3 février 2019

Bibliothèque Nationale de France
11 quai François-Mauriac - Paris 13
Tél : 01 53 79 49 49



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.