Théâtre : Miss Nina Simone, d'après Gilles Leroy - Avec Jina Djemba, Valentin de Carbonnières - Théâtre de l'Oeuvre



Atteinte d’un cancer du sein, Nina Simone s’est réfugiée dans le Sud de la France. Loin du monde, enfermée dans une maison délabrée, rongée par l’alcool et la maladie, elle rumine une solitude amère. Lorsqu’elle engage Ricardo comme intendant, se noue une relation de confiance et d’amitié. Il sera son dernier confident au crépuscule de sa vie. Auprès de lui, elle se rappelle. Née en 1933 en Caroline du Nord, Eunice Kathleen Waymon qui n’est pas encore Nina Simone, se passionne pour la musique. Elle rêve de devenir pianiste classique, concertiste. Soutenue par des parents aussi stricts qu’exigeants, elle passe le concours de la Julliard School of Music, New York. Malgré son talent, elle n’est pas admise à la prestigieuse académie. Elle est persuadée que ce rejet est dû à sa couleur de peau. Eunice deviendra Nina, la chanteuse à la voix d’or. De ce destin empêché, naîtront engagements et révoltes. Militante pour les droits des noirs, des femmes, Nina Simone aura, toute sa vie, lutté pour la cause des minorités, revendiquant fièrement ses racines.






Anne Bouvier et Jina Djemba, signent une adaptation théâtrale sensible et émouvante du livre Nina Simone, roman, une biographie romancée de Gilles Leroy publiée en 2013. Le spectacle musical se penche sur les dernières années de cette légende du jazz abordant cette personnalité hors normes par le prisme d’une intimité avec un personnage fictif, Ricardo, confident prétexte qui ouvre la porte aux souvenirs. La femme blessée dit les failles, les blessures, les joies, les indicibles douleurs. Elle révèle son visage privé, son caractère ombrageux, la radicalité d’une personnalité hors normes. 

Remontant le fil d’une existence tourmentée, marquée par le traumatisme d’une enfance passée dans l’Amérique ségrégationniste, la diva déchirée, abîmée par la vie, se raconte avec gouaille et humour, portant un regard lucide sur le monde. Elle dit ses différentes facettes, ses contradictions, ses excès. Il y a la grande amoureuse et la violence des hommes qui ont partagé sa vie. Les combats engagés. Mais aussi l’alcool, les médicaments. La terrible solitude, l’absence de sa fille dans ses derniers jours. Entre ombre et lumière, une rencontre a lieu.




La mise en scène imaginé par Anne Bouvier porte l’émotion qu’incarne les comédiens. Les décors de Jean Haas et les lumières Denis Koransky rendent une atmosphère de deuil, de déliquescence dans cette maison plongée dans la pénombre. Jina Djemba présence magnétique qui tangue, magnifique Nina Simone, s’affirme tour à tour inquiétante, fascinante, tranchante, colérique puis fragile, émouvante. La comédienne a souhaité rendre hommage, par le biais de cette incarnation habitée, à sa mère Nina Naoumova. Dans les passages chantés où il n’est jamais question d’imitation, sa belle voix trouve de nouveaux chemins.

A ses côtés, Valentin de Carbonnières qui joue Ricardo, nuance joliment ce confident naïf et bienveillant, dernier être à veiller sur elle. En bord de scène, le musicien Julien Vasnier accompagne toutes la pièce de ses arrangements, déployant ambiances musicales et instruments, cymbales, flûte traversière, piano à pouce. 

Ce spectacle élégant et tendre explore la complexité d’un personnage plus grand que nature. Derrière le masque de l’icône apparaît l’être humain dans un portrait de femme solaire, tragique, brutale et fragile. Une ode à la légende disparue le 21 avril 2003.

Miss Nina Simone, d’après Gilles Leroy
Adaptation Jina Djemba et Anne Bouvier
Mise en scène Anne Bouvier
Avec Jina Djemba, Valentin de Carbonnières / Paul Nguyen en alternance, Julien Vasnier

Jusqu’au 6 janvier 2019
Du mercredi au samedi à 20h et le dimanche à 17h

Théâtre de l'Oeuvre
55 rue de Clichy - Paris 9
Réservations : 01 44 53 88 88



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.