Lundi Librairie : Confessions d'une cleptomane - Florence Noiville



Confessions d’une cleptomane - Florence Noiville : Respectable épouse du très intègre nouveau ministre des Finances Pierre-Antoine Berg, Valentine de Lestrange experte en art réputée. Epanouie professionnellement, elle regrette un peu d’avoir abandonné ses ambitions de sculptrice. Cette grande bourgeoise d’un certain âge, bien sous tous rapports, insoupçonnable, s’ennuie dans son quotidien de grand confort. Afin de rompre la monotonie, elle a développé ce qu’elle désigne comme une lubie, une manie, pas un drame en somme. Elle est cleptomane. Une histoire de famille puisque la lignée des femmes, sa mère comme sa grand-mère, semble avoir hérité du poignet leste. Son premier larcin remonte à l’enfance, un vol de Malabar avec son cousin. Aujourd’hui Valentine exerce son art de la prestidigitation selon un code d’honneur, une stricte règle de conduite, dans les belles boutiques, les opulents magasins. Objets luxueux, vêtements de prix mais aussi des babioles ici et là, un Yop vanille à la station-service, une barre chocolatée au point presse. La compulsion s’affirme de plus en plus irrépressible. La manie devient incontrôlable. Valentine craint de se faire prendre et de causer du tort à son époux. 

Plus qu’une lubie, la cleptomanie est un réel désordre mental qui relève de la dépendance. En quête du frisson, les accros à l’adrénaline passent à l’acte pour assouvir leur addiction. Ce trouble directement lié à un délit puni par la loi semble encore tabou tant il est mal compris. Dans cette comédie douce-amère, sur un air de thriller léger, Florence Noiville joue sur le décalage entre les apparences et la réalité tout en affirmant la lucidité du regard porté sur le monde qui nous entoure. Le récit abondamment documenté et très instructif nous offre les clés pour mieux appréhender les tenants et les aboutissants de cette pathologie.

La finesse de l’analyse psychologique nous fait accéder à ce qui se cache derrière le masque lisse de ce personnage romanesque dont l’humour et la vivacité d’esprit ne peuvent laisser indifférent. Malgré l’opulence, malgré son enviable statut social, Valentine a toute sa vie était maintenue dans une forme d’irresponsabilité de femme-enfant. Sans désir reconnu, le manque de confiance en soi soutenu par cette étrange position l’a peu à peu mené vers une dépression larvée. 

En revenant sur les origines de ce désordre, ses mécanismes, la romancière questionne l’atavisme des comportements, la possible hérédité des addictions. Elle interroge la pulsion de transgression qui est en elle-même une stimulation et une provocation. Les comportements dangereux de son héroïne, tragique sous des abords délicieux et frivoles, relèvent d’une forme de paradoxe. Valentine affirme qu’elle veut éviter le scandale quand sa cleptomanie semble chercher à le provoquer. Inconsciemment, elle guette le cataclysme qui enverra valser sa jolie vie bien rangée.

Plume sensible, élégante, Florence de Noiville met son talent de conteuse au service d’un portrait de femme touchant, un roman subtil, tout à fait féroce en filigrane.

Confessions d’une cleptomane - Florence Noiville - Editions Stock



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.