La plus ancienne horloge publique de Paris, commandée par Charles V (1338-1380) vers 1371, orne toujours l’une des tours du Palais de la Cité, à l’angle du boulevard du Palais et du quai de l’Horloge. Remaniée à de nombreuses reprises, cette délicate mécanique, a subi depuis sa création des restaurations plus ou moins heureuses. Lors de la grande campagne de restauration de la tour de l’Horloge datant de 2011-2012, un soin particulier a été apporté à la réhabilitation de l’horloge afin qu’elle retrouve un état conforme au plus vieux document présent dans les archives de la BNF. Couleurs passées, dorures et argentures très dégradés, symboles devenus illisibles, sculptures - originellement signées Germain Pilon - abîmées, l’ensemble s’est vu restituer l’aspect du XVIIème siècle. Pour cela, les équipes se sont appuyées sur un descriptif précis de la grande restauration de 1852 qui a permis de reconstruire les décors tels qu’ils étaient en 1686, notamment le fond bleu semé de fleur de lys. Un peu d’histoire si vous le voulez bien.
En 1350, Jean II le Bon demeure au palais royal de l’île de la Cité, résidence des rois de France depuis Hughes Capet dans la lignée du palais gallo-romain où séjournait Julien l’Apostat, César des Gaulles devenu empereur de Rome. Afin de renforcer le dispositif de défense en pleine guerre de Cent ans, le roi ordonne l’édification d’une tour surmontée d’un beffroi et d’un lanternon. Surmonté d’un chemin de ronde crénelé, cette tour de guet de 47 mètres de haut est achevée en 1353.
Durablement marqué par l’intrusion de la foule au palais de la Cité, une émeute menée par Etienne Marcel en 1358, le roi Charles V a abandonné cette résidence royale vers 1360 pour l’hôtel Saint Pol situé hors de l’enceinte de Philippe Auguste dans le Marais. Le palais de la Cité est devenu palais de Justice. En 1370, Charles V commande une horloge pour la Tour nord est. Henri de Vic, horloger Lorrain, en invente la délicate mécanique. Logé dans la tour par ordre du roi, pour un traitement quotidien de six sols parisis, il en prendra soin en permanence.
Première horloge publique de Paris, elle marque l’heure du roi. Elle est donc empreinte d’une forte symbolique politique. Jusqu’à ce moment, la population pour connaître l’heure se référait essentiellement aux églises sonnant les heures. Le roi affirme par ce biais les fonctions régaliennes de la monarchie et son émancipation vis à vis du pouvoir de l’Eglise. La tour est dotée en 1371 d’une cloche en argent, tocsin royal qui sonne pour les naissances et les décès des souverains et de leur progéniture. Cette cloche donnera le signal du massacre de la Saint Barthélémy dans la nuit du 23 au 24 août 1572.
En 1418 la municipalité réclame un cadran extérieur pour l’horloge. Une importante restauration du cadran est menée par Philippe Brille en 1472. En 1585, Henri III commande un nouveau cadran dont l’encadrement est réalisé par le sculpteur Germain Pilon. Le bas-relief de part et d’autre est orné de deux grandes figures allégoriques représentant la Justice et la Loi qui porte une tablette sur laquelle est inscrit Sacra Dei celebrare pius regale time ius.
L’horloge va être entièrement restaurée en 1685 mais les décorations mutilées lors de la Révolution, alors que la foule des sans-culottes s'emploie à marteler les emblèmes royaux à travers la ville, ne retrouveront leur splendeur initiale qu’au XIXème siècle. Entre 1840-43, la partie inférieure est consolidée et un corps de garde créé. En 1852, une grande restauration est entreprise par les architectes Duc et Dommery. Les détails décoratifs abîmés sont restitués par M. Toussaint d’après les originaux de Germain Pilon dont il ne reste que des fragments. De 1860 à 1861, des travaux sont menés pour restituer leur aspect médiéval aux parties hautes de la Tour de l’Horloge. Lors de la restauration de la salle voutée dite de la Reine Blanche, un ancien décor polychrome réapparaît ce qui va fortement influencer dans le choix de rétablir plus tard les couleurs d’origine de l’horloge elle-même.
Lors de la dernière grande restauration de 2011-12, les travaux ont été menés en suivant le descriptif d’un document datant de 1852. Cette remise à neuf aura duré 18 mois et coûté un montant total de 200 000 euros. Le mécanisme qui actionne alors l’horloge remonte à 1849. En très mauvais état, le mouvement défaillant est donc remplacé par un mécanisme moderne électrique radio-synchronisé sur Radio France. De nombreux détails ont retrouvé leur pleine dimension décorative têtes de bélier, colombe, mascaron, chérubins ailés côtoient à nouveau emblèmes royaux et armoiries.
Le cadran actuel, large de 1,5 mètres, a conservé sa forme carrée. Le centre rond orné de rayons flamboyants a été replacé sur le manteau royal de la France au fond d’azur fleurdelisé pour lequel ont été utilisés deux différents types de fleurs de lys. Les chiffres romains de l’horloge ont été sculptés en relief sur pierre. En cuivre repoussé et bronze, les aiguilles se singularisent par leur extrémité. La grande qui marque les minutes se termine en fer de lance, tandis que la petite pour les heures, prolongée par une contre-aiguille orné d’un croissant de lune, arbore une fleur de lys.
Tour de l'Horloge - gravure de Charles Meryon - 1852 |
Tour de l'Horloge vers 1910 |
Tour de l'Horloge vers 1900 |
L'Horloge vers 1900 |
Au bas du cadran apparaissent deux dates, 1852 et 1909, celles des grandes restaurations. Sous le petit toit qui abrite le cadran, les cartouches de Henri II et Catherine de Médicis ainsi que ceux de Henri IV et Marguerite de Valois brillent au fronton de l’horloge. Deux plaques dispensent leur sagesse lyrique par des inscriptions en latin dont les mots sont attribués au poète Jean Passerat (1534-1602). Dans le marbre de celle du dessus est gravé : Qui dedit ante duas triplicem dabit ille coronam (Celui qui lui a déjà donné deux couronnes lui en donnera une troisième). Il est fait références aux couronnes de France et de Pologne portées par Henri II tandis que la troisième évoque la couronne du royaume des Cieux. En dessous du cadran, le stylobate de l’édicule s’ouvre sur un carré de marbre noir où est inscrit : Machina quae bis sex tam juste dividit horas justitiam servare monet legesque tueri (Cette machine qui divise si justement les douze heures, nous avertit qu’il faut observer la justice et sauvegarder les lois.)
Aujourd’hui, c’est un platane planté devant la tour qui fait polémique car il dissimule l’horloge une grande partie de l’année. Malgré les récriminations des amoureux de la belle mécanique, la mairie de Paris refuse de l’abattre.
Plus ancienne horloge de Paris
Tour de l’Horloge - Palais de la Cité
1 boulevard du Palais - Paris 1
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
Bibliographie
Le guide du promeneur 1er arrondissement - Philippe Godoÿ
Dictionnaire historique des rues de Paris – Jacques Hillairet – Editions de Minuit
Histoire de la Conciergerie du Palais de Paris - Depuis les origines jusqu'à nos jours (1031-1886) - Eugène Pottet
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