Expo : Seven Lakes Drive, Laurie Karp - Musée de la Chasse et de la Nature - Jusqu'au 2 septembre 2018



Les précieuses miniatures en céramique de Laurie Karp disséminées parmi les collections du musée de la Chasse et de la Nature détournent la notion d’art décoratif. Jouant avec les éléments réinventés du service traditionnel, assiettes, soupières, plats de service, la plasticienne franco-américaine impose une vision de la nature où bestialité et humanité se hƒeurtent dans des scènes déroutantes, troublantes, fondamentalement carnassières. L’exposition Seven Lakes Drive regroupe une trentaine de créations disséminées à travers les salles qui forment un vaste jeu de piste. Férocité impitoyable de la chasse, spectacle de la vie et de la mort, évocation puissante d’un désir de dévoration aussi sensuel qu’élémentaire quand il se fait nécessité de se nourrir, Laurie Karp imaginent des figures monstrueuses échappées de ses cauchemars intimes. Sa forêt imaginaire possède une dimension inquiétante, parfois onirique souvent glaçante. La présence obsédante d’un monde organique cruel et sanglant, beauté du bizarre, prolonge le sentiment d’étrangeté, de poésie dérangeante. La barbarie côtoie la délicatesse suscitant des interrogations profondes.











Originaire de New York, Laurie Karp a suivi les cours de la Rhode Island School of Design à Providence avant de s’envoler pour l’Asie - Hong Kong, Taiwan - puis en Australie à l’occasion de résidences artistiques de longue durée. Elle s’installe définitivement en France en 1979. C’est dans son nouveau pays d’adoption qu’elle développe un intérêt particulier pour de multiples supports, céramique, peinture et vidéo. 

Les arts du feu en particulier la fascine. A travers le travail de la céramique, de la porcelaine, la plasticienne expérimente les jeux de textures, de matière. L’exposition Seven Lakes Drive illustre ce travail de techniques mixtes très élaborées, où le savoir-faire permet toutes les nuances. Lorsqu’elle se penche sur la terre, Laurie Karp associe modelage et moulage, interprète et détourne les techniques traditionnelles afin de parvenir à une hybridation des formes singulière. 

Avec la complicité du faïencier Anicet Delattre, ancien de la manufacture Fourmaintraux-Dutertre, elle dépasse la seule maîtrise des techniques en prolongeant l’expérience par la multiplication des essais. Glacis de la céramique, richesse des effets de l’émail, tout un univers organique semble naître de la froide faïence.









Parmi les animaux taxidermisés, les collections d’armes à feu et trophées divers du musée de la Chasse et de la Nature, les figures hybrides de Laurie Karp osent les associations mystérieuses, déconcertantes. Le champ esthétique exploré par l’artiste procède autant de la beauté de la nature, que du sentiment d’effroi que suscite la mort qui rôde. Ses personnages, humains, animaux, entretiennent des rapports ambigus. 

La grâce, la délicatesse et la douceur formelle se confrontent au monstrueux, au difforme, à l’horreur, à la sauvagerie. Fragments anatomiques, viscères répandus composent un festin barbare. La puissance des contrastes déployée dans un luxe de raffinement possède la force des fables débridées, leur cruauté, leur violence. 












Au dernier étage du musée, la plasticienne présente un ensemble un peu différent recentré sur les expérimentations de la terre et du verre, rencontre du végétal et du monde aquatique, botanique apaisée. 

Décalées, baroques, incongrues, les œuvres de Laurie Karp renvoient aux mythes des métamorphoses, à cette légende personnelle où le morbide et l’humour se mêlent intimement. Déroutant, jubilatoire. 

Seven Lakes Drive - Laurie Karp 
Jusqu’au 2 septembre 2018

62 rue des Archives - Paris 3
Horaires : du mardi au dimanche de 11h à 18h - Nocturne le mercredi jusqu'à 21h30
Fermé le lundi et les jours fériés, mais ouvert le mardi 8 et le jeudi 10 mai 2018.



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.