Lundi Librairie : Mon frère - Daniel Pennac



Mon frère - Daniel Pennac : Dans un récit intime poignant, Daniel Pennac évoque avec sensibilité, Bernard, son aîné de cinq ans, mort à la suite d'une erreur médicale en 2007.  "Pour silencieux qu’il fût, c’est ce frère qui m’apprit à parler. Et d’ailleurs à lire, plus tard, les romans qu’il aimait. Donc à écrire." Mentor en littérature avec lequel il a partagé une chambre jusqu'à ses 11 ans, réconfort du jeune cancre désespéré par ses résultats scolaires, partenaire de parties d'échecs durant lesquelles il ne fallait surtout pas gagner, Bernard aura transmis à Daniel le goût de la lecture et de la dérision, le sens de la formule. 

Construit en courts chapitres, Mon frère alterne les moments partagés avec ce frère regretté, les bribes de souvenirs qui enfin reviennent au romancier après lui avoir longtemps échappées et l'adaptation qu'a faite Daniel Pennac pour la scène de Bartleby le scribe, la nouvelle de Herman Melville. Cette histoire de clerc de notaire dans une étude à Wall Street qui refuse d'obtempérer par cette formule définitive "Je préférerais pas" est une oeuvre fondatrice dans la famille de l'auteur. L'intrigant personnage principal de ce texte, symbole de la résistance passive et du renoncement, lui évoque irrésistiblement, dans sa frugalité, son manque chronique de désir, un lointain cousin de son propre frère. En tournée, tous les soirs, le texte le rapproche de son aîné disparu. Il y trouve la force de faire son deuil.

Les aller-retours entre les souvenirs et l'adaptation finissent par dresser un portrait en touches délicates d'un frère lucide, caustique, aux réparties savoureuses. Retiré du monde à l'occasion d'une retraite anticipée, Bernard qui ne se sera jamais relevé d'un chagrin d'amour de jeunesse aura vécu une vie conjugale sans amour, une vie professionnelle sans passion, ingénieur aéronautique empêtré dans un poste fantôme.

Sa solitude aménagée, sa tentation de l'effacement définitif, une tentative de suicide, un début de maladie de Parkinson, dans "le mystère paradoxal des grandes intimités", Daniel Pennac évoque aussi bien le tragique de l'existence de Bernard que son humour et son intelligence, sa distance flegmatique et sa grande dignité. Avec une infinie pudeur, une retenue délicate, il trouve enfin la force de dire son chagrin et son admiration, dix ans après cette disparition. 

"Je ne sais rien de mon frère mort si ce n’est que je l’ai aimé. Il me manque comme personne mais je ne sais pas qui j’ai perdu. J’ai perdu le bonheur de sa compagnie, la gratuité de son affection, la sérénité de ses jugements, la complicité de son humour, la paix."

Mon frère - Daniel Pennac - Editions Gallimard



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.