Lundi Librairie : La folle du logis - Rosa Montero



La folle du logis - Rosa Montero : Romancière, journaliste, essayiste, Rosa Montero s'interroge sur les rapports avec ce que Sainte Thérèse d'Avila appelait la folle du logis, c'est à dire l'imagination. "Etre romancier, c'est cohabiter harmonieusement avec la cinglée du dernier étage". Texte jubilatoire qui mêle l'autofiction, l'autobiographie romancée à l'essai pointu, ce récit interpelle l'essence même du romancier, cette expérience de la création littéraire, enfance perpétuelle du toujours possible, du "et si" infini. De ses expériences personnelles à celles de ses auteurs fétiches, Rosa Montero ausculte l'inattendu, sonde avec tendresse et curiosité les créateurs de cet art qui valse si souvent avec la déraison. "Dans la courte nuit de la vie humaine, la folle du logis allume des chandelles". L'auteur décrypte ces curieuses manifestations que sont la célébrité, l'adulation, les aigreurs, les jalousies et le retour du naturel. 

Entre anecdotes personnelles et savoureuses petites histoires des grands écrivains, elle met en parallèle les œuvres et les vies des hommes de lettres, soulignant avec humour et malice un décalage souvent peu flatteur pour l'humain. Les mesquines glorioles de Goethe à la cour de Weimar, Gabriel Garcia Marquez qui accepte une somptueuse demeure de la part de Fidel Castro ou encore les poètes maudits, le drame de l'échec malgré le talent. Après les déboires critiques de Moby Dick, Hermann Melville rédige Bartleby pour notre plus grand plaisir dans un mouvement de ressentiment envers la société humaine. L'insuccès chronique de Robert Walser le mène à l'asile psychiatrique. La gloire trop soudaine de Truman Capote lui brûle les ailes et son chef-d'œuvre De sang-froid, est le dernier,  la plume s'étant tu, l'homme ne survécut pas à l'écrivain.

Selon Rosa Montero, écrire c'est se lancer dans un voyage entre la réalité et la fiction quand soudain le réel s'embarque ailleurs dans un "tumulte de rêves narratifs". Les histoires qui choisissent leurs auteurs dans la surabondance du réel d'où surgissent les insondables possibilités, les visions du monde illimitées. Ecrire cette magie puissante d'où jaillit une vitalité réjouissante est le fruit d'une féroce obstination, d'angoisses sans fin. Pour écrire, il faut se faire peur, se rendre vulnérable, s'exposer, donner chair de papier à ses fantasmes, à tous les possibles, compter le temps et le rendre infini, grâce à la création, devenir immortel.

Et quand l'imagination se refuse, s'échappe ailleurs laissant l'auteur seul devant sa feuille blanche, l'angoisse terrible ouvre la porte aux névroses, aux doutes. Les blocages sont aussi brûlant que les fulgurances. Il faut se raccrocher à l'existence concrète pour ne pas sombrer et déployer l'imagination au long court dans les territoires de l'esprit. Et surtout laisser s'exprimer la passion, encore et toujours telle une compulsion d'amour.

La folle du logis - Rosa Montero - Traduit de l'espagnol par Bertille Hausberg - Editions Métailié



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.