Cinéma : Candelaria, de Jhonny Hendrix Hinestroza - Avec Alden Knight, Veronica Lynn



En 1995, la chute du bloc soviétique sonne la fin d'une ère. Entre la disparition des aides et l'embargo américain, Cuba est confronté à une crise économique sans précédent. Rationnement, pannes électriques, quotidien d'expédients, à la Havane, Candelaria et Victor Hugo, un couple de septuagénaires, toujours amoureux malgré les aléas de l'existence, survivent comme ils peuvent. Ils travaillent encore, maigres moyens de subsistance. Victor Hugo roule des cigares dans une petite usine et de temps à autre en subtilise quelques-uns pour améliorer l'ordinaire en les revendant à des touristes. Candelaria est lingère dans un grand hôtel et se produit comme chanteuse dans les bars avec un groupe de musiciens. Un jour, elle découvre un caméscope oublié dans un panier de linge sale. Cette caméra, objet exotique, prohibé, inaccessible, les confronte à un dilemme. Faut-il la garder, la rendre, la revendre ? Entre les deux vieux amants, elle devient l'objet d'un jeu malicieux tandis que se réveillent les anciennes passions et qu'ils se redécouvrent. Un jeune proxénète leur fait une proposition indécente.







Singulier portrait de Cuba sous embargo, il y a vingt ans à peine, chronique sociale réenchantée avec malice, cette romance nostalgique réalisée par Jhonny Hendrix Hinestroza donne une dimension universelle à cette histoire de personnes âges touchées par une pauvreté qui confine au plus grand dénuement. Logis de misère, murs délabrés, frugalité, dîners succincts à la lueur des bougies, le réalisateur magnifie les atmosphères par la musique, les couleurs et cette joie de vivre qui semble brûler éternellement dans ses personnages. 

Avec élégance et douceur, le cinéaste évoque le quotidien des personnes âgées, les difficultés particulières de la jeunesse envolée, les humiliations et les privations. Dénuement économique, insécurité, rigueur absolue de la dictature castriste, Jhonny Hendrix Hinestroza replace l'histoire privée dans le cadre de la grande Histoire. Le contexte socio-politique de cette drôle de période se rappelle au spectateur par petites touches légères formant une toile de fond où les ombres des manifestations défilent, où la radio se fait écho de l'actualité.




Jhonny Hendrix Hinestroza porte une attention particulière aux personnages qu'il filme avec beaucoup de tendresse et d'empathie, soulignant leur sens profond de la dignité. Lorsqu'il filme Alden Knight et Veronica Lynn, formidables comédiens, il donne à cette intimité une délicatesse particulière qui lui permet d'évoquer un sujet peu traité, celui de la sexualité du troisième âge.

Touchant, réjouissant, émouvant, cette œuvre profondément humaine est chargée d'une espièglerie qui fait rempart à l'adversité. Le grand amour, source d'une merveilleuse légèreté, éclaire de sa tendresse les pires aléas. Un très beau film, plein de malice et d'émotion.

Candelaria, de Jhonny Hendrix Hinestroza
Avec Avec Alden Knight, Veronica Lynn, Manuel Viveros
Sortie le 4 avril 2018



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.