Paris : Serres d'Auteuil, beauté des collections botaniques, un jardin du XIXème siècle dans la tourmente - XVIème



Les Serres d'Auteuil dont le nom officiel est Jardin Fleuriste municipal, ouvertes au public depuis 2006, sont un jardin patrimonial unique en Europe. Premier pôle du Jardin Botanique de Paris fondée en 1998, qui comprend outre les serres d'Auteuil, le Parc de Bagatelle dans le bois de Boulogne, le Parc Floral dans le bois de Vincennes et l'Arboretum de l'école du Breuil également dans le bois de Vincennes, elles ont accueilli jusqu'en 2008, la direction des parcs, jardins et espaces de la Ville de Paris. Sur le chemin de Roland Garros à la lisière du bois de Boulogne, cet ensemble de serres dans un jardin dont les abondantes décorations florales sont renouvelées au fil des saisons, est un lieu de promenade et de découverte, une halte hors du temps méconnue. Dans les 6 hectares de jardin, 2 700 m2 de serres sont accessibles gratuitement. Y sont cultivées 5 500 espèces de plantes venues de toute la planète auxquelles s'ajoutent un ensemble d'arbres remarquables disséminés dans les jardins. Voyage à travers les continents, les cinq serres principales construites au XIXème siècle par l'architecte Jean-Camille Formigé enchantent les amateurs de botanique et du Paris historique. Cette oasis en plein cœur de la ville a connu récemment la tempête. Les serres d'Auteuil menacées par le projet d'extension du stade de Roland Garros ont fait l'objet d'un bras de fer juridique entre les associations de riverains, écologistes, défenseurs du patrimoine et la FFT (fédération française de tennis) soutenue par la Ville de Paris. Sept ans de bataille pour un résultat en demi-teinte qui aura tout de même permis de préserver grande serre, palmarium et parterres, des velléités évènementielles de la FFT.












L'entrée d'honneur du jardin, ornée de quatre statues provenant du Pavillon de Madame à Versailles, ouvre sur une vaste esplanade, un parterre à la française amoureusement entretenu. Sur la terrasse, sont fixés quatorze mascarons en fonte galvanisée qui ornés jusqu'en en 1935, l'ancienne cascade du palais du Trocadéro construit par l'architecte Gabriel Davioud à l'occasion de l'exposition universelle de 1878 et démantelé pour faire place au palais de Chaillot. Certains auraient été modelés par Auguste Rodin qui travaillait alors dans les ateliers d'Eugène Legrain, sculpteur ornementiste. Au pied de la grande serre, une fontaine ornée d'un haut relief de Jules Dalou datant de 1891 et installé en 1897, déploie de lascives Bacchanales. 

Construit sur l'emplacement d'un jardin botanique d'agrément, décoré de parterres et de serres, voulu par Louis XV en 1761, l'ensemble originel s'étend sur 9 hectares. Jean-Camille Formigé (1845-1926), architecte en chef du service des Promenades et plantations de la Ville de Paris en charge du projet, souhaite "édifier une oeuvre utile à l'horticulture tout en conservant son caractère artistique". Les serres sont d'autant plus remarquables qu'elles représentent le dernier ouvrage de ce type construit au XIXème siècle. Les travaux débutent en 1892. Elles sont inaugurées en 1898. Les cinq serres principales, la grande serre, les serres Est et Ouest, la serre aux palmiers et la serre aux azalées, forment un ensemble monumental long de 99 mètres. Armature en fonte peinte en turquoise, forme en ogive, Formigé choisit d'innover en matière de structure. Il supprime les supports intermédiaires pour faciliter la circulation afin d'obtenir plus de transparence, plus de lumière pour un espace plus lisible. L'ensemble de serre-musée datant du XIXème siècle a été inscrit au titre des Monuments historiques en 1998











Le jardin des serres d'Auteuil, dont la vocation première s'illustre dans la conservation de végétaux de collection, remplace alors également l'ancien Fleuriste de la Muette, lieu de production horticole de Paris, qui ne suffit plus aux besoins de la ville. Le Centre d'horticulture des plantes destinées aux jardins et espaces verts de Paris verra son activité transférée à Rungis et Fresnes lors de l'amputation d'un tiers de la surface des Serres d'Auteuil à l'occasion de la construction en 1968 de l'échangeur d'Auteuil desservant le périphérique.

Collection de plantes rares et d'arbres remarquables notamment des palmiers des Canaries, la serre principale, vaste palmarium, 16,50 mètres de haut est véritablement spectaculaire. Prouesse technique, la nef divisée en trois espaces climatiques différents un jardin tropical chaud et humide, une palmeraie plus sèche et une orangerie moins chaude. Il s'y trouve des bassins peuplés de carpes koï peu farouches et une petite volière aux oiseaux exotiques qui n'en demandaient pas tant.











Papayer, bananier, manguier, caféier, rocouyer se développent avec bonheur dans ces climats tropicaux et subtropicaux reconstitués. Les bégonias hybrides et les plantes carnivores côtoient les collections d'orchidées rares dont les plus anciennes espèces remontent à la création du Fleuriste de la Muette en 1855. Des arbustes du Sahel, émotion en foulant la terre rouge des serres dédiées aux plantes africaines, aux cactées du Colorado, des plantes étranges de Nouvelle Calédonie dont la flore est similaire à celle qui se développait en Europe au Jurassique, aux fougères expansives, le visiteur explore le monde à portée de main en découvrant l'infinie créativité de la nature. 

Dans les jardins, les arbres ne sont pas en reste, gingko biloba de Chine, arbre à caramel qui diffuse un parfum de caramel à l'automne, magnolia grandifora, lilas des Indes et l'arbre le plus grand du jardin Pterocarya stenoptera arbre le plus grand du jardin.









Le projet d'extension du stade de Roland Garros lancé en 2011 prévoit afin de construire deux courts de tennis dont un de 5000 places de réduire le jardin de 1000 m2 entraînant la destruction de certaines serres. La Mairie de Paris envisage de louer certains des bâtiments à la FFT pour étendre l'offre de restauration et l'espace évènementiel lors du tournoi. Face à la FFT (fédération française de tennis) et à la Ville de Paris, associations de riverains, écologistes, défenseurs du patrimoine, descendant de la famille Formigé, montent au créneau, lancent des pétitions, proposent même une alternative, couvrir l’autoroute A13 pour gagner de l’espace et ne pas toucher aux jardins, projet réalisable mais beaucoup plus cher donc rejeté par la FFT. 

Sept années au tribunal ont permis de limiter la casse. Le 2 juillet 2017, la justice se prononce sur le fond du dossier. Le tribunal administratif de Paris rejette les recours des associations et valide le permis de construire ce qui permet la reprise des travaux de construction arrêtés de multiples fois. Les serres chaudes et techniques, construites dans les années 1980, qui hébergeaient des espèces rares et fragiles, sont détruites. Les bâtiments en pierre de meulière sont en train d'être réhabilités en nouveaux espaces de restauration. Mais le grand palmarium, la pelouse centrale et la serre des expositions, où la FFT souhaitait organiser des garden parties pendant le tournoi sont préservés. Le patrimoine historique ne sera donc pas directement touché par les travaux et l'invasion de la petite balle jaune. 

A savoir, le Festival de musique classique, Les Solistes aux Serres d'Auteuil, qui se tenait chaque printemps a été déplacé en 2012 dans les jardins de Bagatelle. 

Serres d'Auteuil - Paris 16
Accès 3 avenue de la Porte d'Auteuil et 1 avenue Gordon Bennett

Horaires des jardins
Du 01 mars 2018 au 24 mars 2018
Du lundi au vendredi de 08h00 à 18h30
Le samedi et le dimanche de 09h00 à 18h30

Du 25 mars 2018 au 30 septembre 2018
Du Lundi au vendredi de 08h00 à 20h00
Le samedi et le dimanche de 09h00 à 20h00

Les serres ouvertes au public sont accessibles :
- de 8h00 à 16h00 en semaine 
- et de 9h00 à 17h00 les week-end et jours fériés



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Le guide du promeneur 16è arrondissement - Marie-Laure Crosnier Leconte - Parigramme
Paris secret et insolite - Rodolphe Trouilleux - Parigramme
Le guide du patrimoine Paris - Sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos

Sites référents