Théâtre : Le Lauréat, de Terry Johnson d'après le roman de Charles Webb - Avec Anne Parillaud, Arthur Fenwick - Théâtre Montparnasse



Etudiant brillant, Benjamin Braddock, vingt-et-un ans, vient d'obtenir son diplôme de fin de cycle. Il a rejoint ses parents en Californie pour prendre quelques jours de vacances. Ceux-ci ont organisé en son honneur une petite fête à laquelle Benjamin ne semble pas très heureux de participer, troublé par l'idée du destin tout tracé qui s'ouvre devant lui. Il se tient à l'écart des convives quand Mrs Robinson, troublante amie de la famille, vient lui demander de la raccompagner chez elle. Il accepte mais se trouve très embarrassé lorsque cette femme qui a deux fois son âge lui fait des avances.






Dans l'Amérique des années 1960, cette comédie de mœurs chez les heureux du monde a tout d'abord été un roman de Charles Webb puis un film de Mike Nichols en 1967 avec Anne Bancroft et Dustin Hoffman dans les rôles iconiques de Mrs Robinson et Benjamin Braddock. Terry Johnson a adapté le scénario original du long-métrage pour le théâtre Johnson en lui donnant une forme littéraire au rythme soutenu.  Ecriture exigeante mais accessible, cette pièce universelle parle de la nature humaine, de ces rebelles qui refusant de se soumettre à leur monde étriqué choisissent la transgression.

Sous les apparences de perfection, les vies de ces personnages sont baignées d'un malaise qui touche au mal-être. Rêvant de s'affranchir des codes auxquels ils sont soumis, ils étouffent sous le carcan que leur impose la société. Privés d'alternatives, Mrs Robinson et Benjamin tentent d'échapper à leur destin. Ils refusent de renoncer à eux-mêmes. Chacun aspire au bonheur par la réalisation de soi. 






Partition subtile portée par un sens de la dramaturgie auquel répond un fond de comédie corrosive, Le Lauréat trouve sur la scène du théâtre Montparnasse une adaptation finement mise en scène par Stéphane Cottin. La pièce repose beaucoup sur la qualité de l'interprétation, la capacité des comédiens à incarner la subtilité psychologique de ces personnages ambigus, tourmentés, fragiles, humains. Mrs Robinson et Benjamin sont deux solitudes, deux désespoirs qui se croisent. Si l'attirance est tout d'abord physique, elle est également intellectuelle. Ils reconnaissent en l'autre le même désespoir.

Dans le rôle iconique de la sensuelle Mrs Robinson, alcoolique mondaine qui séduit le fils d'un couple d'ami, Anne Parillaud fait des merveilles. Ce personnage sulfureux, monstre ou victime, échappe à sa cage dorée en buvant, ce que ses proches ne comprennent pas aveuglés par les apparences. Selon leurs critères, cette femme a tout, un mari, des enfants, de l'argent, la beauté. Très lucide, désabusée, tout en failles, la Mrs Robinson que nous offre Anne Parillaud, lumineuse, est un esprit libre. Il y a de l'ironie, de la générosité dans son interprétation, une véritable tendresse. Face à elle, Arthur Fenwick, très convaincant, se glisse avec charisme dans la peau d'un Benjamin Braddock déboussolé, déchiré entre deux femmes. Le jeune comédien fait preuve d'une belle présence scénique. François Lépine qui joue Mrs Braddock, la mère de Benjamin, est tout à fait remarquable. Marc Fayet, Jean-Michel Lahmi, Adèle Bernier sont également très bien. 




Touchante, acide, drôle, la pièce traite de sujets intemporels, cette envie intrinsèque propre à l'être humain d'échapper aux attentes de la société, ce goût pour la transgression des codes mais aussi de l'absurdité des conventions sociales. Et c'est avec l'air de la célèbre chanson de Simon et Garfunkel en tête que le spectateur quitte le théâtre. Une très belle soirée.

Le Lauréat

Adaptation Terry Johnson
Version française Christopher Thompson
D'après le roman de Charles Webb
Scénario de Calder Willingham et Buck Henry

Mise en scène Stéphane Cottin
Avec Anne Parillaud, Arthur Fenwick, 

Mardi, mercredi, jeudi, vendredi et samedi à 20h30 et matinées le samedi à 17h30 et le dimanche à 15h30

Théâtre Montparnasse
31 Rue de la Gaîté - Paris 14 
Tél : 01 43 22 77 74 



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.