Et soudain, la liberté - Evelyne Pisier et Caroline Laurent : Dans les années 1940, en Indochine, Mona est la jeune épouse d'André Desforêt un administrateur colonial. Alors que la Seconde Guerre Mondiale se déclare, le haut-fonctionnaire maurrassien convaincu et partisan du régime de Vichy, raciste et antisémite reste indifférent aux incertitudes du monde. Dans l'enclave où vivent les colons blancs, Mona, mère parfaite toujours élégante de la petite Lucie, mène une existence soumise au bon vouloir d'un mari parfois violent mais qu'elle aime passionnément. Ecrasée par cet homme au point de s'en oublier elle-même, elle est la femme trophée idéale d'une société patriarcale ultra-conservatrice. Avec l'invasion japonaise et la montée du Viet Minh, Mona va connaître le drame des camps avec sa petite fille. A la fin de la guerre, André qui demeure haut-fonctionnaire, est muté par le pouvoir gaulliste en Nouvelle-Calédonie. A Nouméa, les paysages de carte postale dissimulent mal la terrible réalité sociale et le racisme. Tandis que Lucie étudie chez les religieuses où elle vit ses premières humiliations, Mona fait la connaissance de Marthe, une bibliothécaire féministe et communiste qui lui fait lire Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir. Ce texte joue un rôle de révélateur pour la jeune femme. C'est la naissance d'une conscience, d'un désir d'émancipation. Elle prend un amant, passe son permis. De retour en France divorcée, elle gagne son indépendance dans la douleur et s'engage dans les combats féministes, droit à l'avortement, libération sexuelle, égalité homme-femme, libération nationale des peuples. Lucie, brillante étudiante, devient militante communiste.
Ouvrage à quatre mains, Et soudain, la liberté est né de l'envie qu'Evelyne Pisier, essayiste, politologue, a eue de raconter la vie hors du commun de sa mère Paula Caucanas, disparue en 1988. A cette occasion, une amitié nait entre la femme de lettres engagée et son éditrice, Caroline Laurent. Malade, sachant qu'elle ne pourra pas terminer son ouvrage, l'auteur fait promettre à la directrice littéraire de reprendre la plume afin de poursuivre l'oeuvre. L'émouvante rencontre entre les deux femmes se prolongent à travers ce texte hybride où les noms de fictions croisent la réalité des anecdotes dans un passage du témoignage au roman flamboyant.
Dépositaire d'un héritage, Caroline Laurent a relevé le défi. Histoire de transmission et de confiance absolue, elle a rassemblé les morceaux épars, les notes préliminaire laissées par Evelyne Pisier pour tisser un récit en alternance qui du manuscrit-confidence sur deux existences, passe aux coulisses. Tandis que Mona et Lucie, personnages plus grands que nature traversent les époques, Caroline Laurent a choisi de raconter en parallèle le livre en train de se faire, les doutes, les échanges, les rencontres.
Mémoire d'un destin, d'une époque durant laquelle le monde a changé radicalement, le livre s'est construit à partir des anecdotes réelles auxquelles la dimension fictionnelle a redonné chair pour dépasser la simple biographie et saisir toutes les aspérités d'une destinée. Les amours, les drames, l'évolution de la société, la découverte du féminisme, l'engagement absolu jusqu'à l'intransigeance, l'implication politique nécessaire, si l'éveil de Mona devait être le centre du roman, au fil des pages c'est la figure de Lucie / Evelyne qui prend le devant de la scène. Engagée, révolutionnaire, en 1964, elle croise la route de Fidel Castro lors d'un voyage à Cuba avec l'UEC, union des étudiants communistes. Pendant quatre ans, elle entretient une relation passionnée avec le Lider Maximo puis épouse Bernard Kouchner. Dans les années 1970, elle devient l'une des premières femmes agrégées de droit public et de science politique, puis enseignante à Sciences Po.
L'écriture sensible, nuancée et colorée des chapitres romancés, épurée des notes sur la composition de l'ouvrage, est propice à l'exploration de ce double lien de filiation entre Evelyne Pisier et sa mère, entre l'auteur et son éditrice. Récit lumineux porté par une justesse de ton et une profondeur rare, Et soudain, la liberté dit aussi bien les combats des femmes que les passions ravageuses où s'expriment toute la complexité des relations humaines.
Et soudain, la liberté - Evelyne Pisier et Caroline Laurent - Editions Les Escales - Sélection Talents à découvrir Cultura 2017
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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