Cinéma : L'Atelier, de Laurent Cantet - Avec Marina Foïs, Matthieu Lucci, Warda Rammach, Issam Talbi



A La Ciotat, le temps d'un été, Olivia, romancière parisienne à succès, mène un atelier d'écriture organisé par la mission locale avec un groupe de jeunes en insertion professionnelle. Ensemble, ils doivent rédiger un polar. Boubacar, Fadi, Etienne, Malika, Benjamin, Lola, Antoine ont tous leurs motivations : l'envie d'écrire, celle de rendre hommage au passé de la ville frappée par la crise à la suite de la fermeture des chantiers navals il y a vingt-cinq ans, juste être entre potes et s'amuser, ou bien seulement faire ses heures dans le plus grand désintérêt. Les jeunes gens doutent de la sincérité d'Olivia qui représente le monde des privilégiés pour lequel ils éprouvent de la méfiance. Parmi eux, Antoine, sans désirs, sans espoir, est fasciné par la violence qu'il pratique virtuellement à travers des jeux en réseau. Taiseux, solitaire, il pratique le culte du corps et de l'image, se laisse séduire par les discours nationalistes et fréquente les milieux d'extrême droite. Olivia, entre doutes et enthousiasme, conduit les séances de travail alors que s'établissent des rapports de force. Antoine s'oppose systématiquement à ses camarades et alors que les affrontements se font de plus en plus violents, Olivia tente d'éclaircir l'origine de son malaise. 






Huitième long métrage de Laurent Cantet, neuf ans après la Palme d'or du film Entre les murs, L'Atelier se pose en fresque socio-politique reflet des troubles de la société française. Avec une grande finesse narrative, le réalisateur, regard bienveillant dénué de jugement, dresse un portrait radical et subtil d'une jeunesse en souffrance, en proie à toutes les contradictions. Fêlures sociales, fragilités psychologiques, peur de l'avenir, vide existentiel, le désespoir profond mène aux tentations extrémistes. Ennui et désœuvrement fruits du malaise social peuvent engendrer le pire. 

Laurent Cantet interroge le lien rompu et les rapports de fascination entre Olivia, l'intellectuelle bien intentionnée et ces jeunes. Avec la meilleure volonté du monde, les discours préfabriqués restent lettre morte, les modèles ne pouvant être imposés. La société enferme les individus dans des cases et leur lutte pour en sortir est un combat d'impuissance rageuse d'où jaillit le dégoût et le mépris. En suivant au plus près, le travail de groupe, Laurent Cantet écoute sans juger les motivations d'une jeunesse déboussolée et questionne la possibilité de la construction du commun. Dans le film, l'écrit représente l'accès à la représentation du monde. La parole qui circule, tour à tour prise et donnée, engendre des rapports de force, une dynamique qui suggère le dépassement de soi dans un projet collectif. 




Dans une grande économie de moyens, Laurent Cantet donne épaisseur et complexité à des personnages croqués avec grande justesse. Le réalisateur s'est entouré de jeunes comédiens amateurs épatants. Entre ombre et lumière, Matthieu Lucci, remarquable, qui interprète Antoine est vibrant de colère rentrée. Superbe, Marina Foïs est très juste dans son incarnation d'Olivia, personnage sur le fil porté par l'ambiguïté de ses sentiments, les désirs non-dits et le désarroi.

Poétique, politique, L'Atelier est une ode à la réconciliation qui n'exclut pas la dimension glaçante de la tentation du pire.

L'Atelier, de Laurent Cantet
Avec Marina Foïs, Matthieu Lucci, Warda Rammach, Issam Talbi
Sortie le 11 octobre 2017



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.