Cinéma : Creative Control, de Benjamin Dickinson - Avec Benjamin Dickinson, Nora Zehetner, Alexia Rasmussen



A New York, dans un futur très proche, David est créatif dans une agence de publicité. Pour tenir le coup sous la pression, drogue, alcool, anxiolytiques sont son quotidien. Il est chargé de mettre en place la campagne de lancement des lunettes de réalité virtuelle Augmenta. Alors que le couple qu'il forme avec Juliette, ancienne alcoolique devenue prof de yoga, bat de l'aile, il tombe amoureux de Sophie. Styliste qui cherche encore le succès, elle est surtout la copine officielle de Wim, le meilleur ami de David, un photographe de mode aux mœurs très libres. Tiraillé par ses désirs, David créé à l'aide des lunettes Augmenta et de l'empreinte digitale de Sophie un avatar de celle-ci. Obnubilé par ses interactions avec l'hologramme, les frontières entre réel et virtuel, désir et vécu se brouillent progressivement.






Dans le Manahttan high tech de Benjamin Dickinson, la technologie est un outil d'aliénation qui promet plus de liberté. Critique sociale ironique, oeuvre post-moderne, Creative Control se révèle une méditation satyrique sur le malaise de la génération Y revendiquant l'héritage de Woody Allen et Michelangelo Antonioni. 

Le réalisateur dresse le portrait d'une élite new-yorkaise égocentrique détachée de la réalité du monde, emportée par le spleen contemporain. Les personnages blasés dont les comportements délétères les enferment dans la solitude ne parviennent plus à tisser de liens entre eux. Dans leur vaine quête d'accomplissement, la sensation d'inachèvement se fait de plus en plus prégnante.  Alors que l'enchevêtrement romantique superficiel vient affadir le sujet, la détresse morale de ce microcosme privilégié peine à toucher le spectateur tant les personnages sont antipathiques, leur morosité contagieuse. 






Esthétique en noir et blanc, monde virtuel en couleur, la beauté formelle glacée du film, la stylisation extrême voulue par Benjamin Dickinson souligne la sensation de flottement permanent des vies formatées, rongées par l'ennui. Les protagonistes se meuvent à travers des espaces aseptisés qui n'ont déjà plus grand chose de réel. Dans la lente chute du personnage principal, les lunettes Augmenta, promesse d'une expérience enrichie de la réalité, agissent comme un catalyseur d'angoisses mêlant au propos psychologie et technologie. Sur la fin, usant et abusant des grandes envolées lyriques de la musique classique, Benjamin Dickinson n'échappe pas à une certaine grandiloquence qui aurait fortement tendance à plomber le film. 




Impossibilité de communiquer, substitution des personnes réelles par des avatars, le réalisateur s'interroge de façon trop manichéenne sur le péril du virtuel. Pour lui, l'utilisation des produits high mènerait forcément à la dépendance, à la solitude et à la misère sexuelle, la confusion entre réalité et monde virtuel, la désagrégation des limites entre vie publique et vie privée. Inégal mais prometteur, Creative Control est une véritable curiosité cinématographique. 

Creative Control de Benjamin Dickinson
Avec Benjamin Dickinson, Nora Zehetner, Dan Gill, Alexia Rasmussen
Sortie le 9 novembre 2016



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.