Cinéma, les sorties DVD : Coffret Pablo Agüero - Eva ne dort pas et Salamandra



Eva ne dort pas de Pablo Agüero
Sortie dvd en coffret le 5 septembre 2016

En 1976, l'amiral Masser officier de la junte militaire fasciste qui a pris le pouvoir en Argentine fait rapatrier la dépouille d'Eva Peron pour l'enterrer sous six mètres de béton et mettre un terme au mythe national. Décédée en 1952 à l'âge de 33 ans d'un cancer foudroyant, Evita est devenue une légende, son corps embaumé l'objet d'un culte populaire. Lorsque le général Aramburu renverse Juan Peron en 1955, la dépouille est discrètement convoyée hors du pays dans une caisse anonyme puis cachée au Vatican. Pendant vingt ans, les différents gouvernements argentins cherchent la trace de ce corps légendaire.

Dans un clair-obscur pictural, puissant imaginaire et inventivité, les séquences se déploient comme des tableaux. Pablo Agüero signe une fresque gothique dont l'épure doit autant au budget limité de la production qu'à l'esthétique minimaliste voulue par réalisateur. Asphyxiant, angoissant, le film navigue sur les flots sombres d'un onirisme cauchemardesque, hypnotique répulsion. La sensualité nécrophile du docteur Ara, l'embaumeur, l'absurde mission du convoyeur, un mercenaire français, les derniers instants du dictateur le général Aramburu kidnappé en 1970 par de jeunes révolutionnaire péronistes qui tentent de lui faire avouer où se trouve le corps, les trois segments de cette oeuvre sont des histoires de fantômes hantées par le même spectre. Mystère de l'enlèvement, de la disparition du cadavre, Pablo Agüero interroge la profanation des mythes, autopsie les vérités psychologiques, les troubles des êtres et de l'Histoire, tout en documentant son propos d'abondantes images d'archives pour mieux capter l'essence populaire du culte autour d'Eva Peron.  Film exigeant qui oscille entre malaise et fascination, Eva ne dort pas est une oeuvre ovni troublante.




Salamandra de Pablo Agüero
Avec Joaquin Aguila, Dolores Fonzi, Daniel Fanego 
Sortie dvd en coffret le 5 septembre 2016

Après des années d'absence, Alba revient chez sa mère chercher son fils Inti, un petit garçon de six ans qui la reconnaît à peine. Internement en hôpital, prison pour trafic de drogue ou arrestation pour des motifs politiques, les raisons de son éloignement ne sont pas élucidées. Immature, versatile, angoissée, Alba entraîne le gamin dans un chaotique périple en autostop, traversant l'Argentine pour rejoindre une communauté hippie. Celle-ci installée en Patagonie dans la vallée d'El Bolson est composée d'êtres à la dérive qui ont depuis longtemps perdu contact avec la réalité. Drogues, sexualité débridée, oripeaux crasseux, conditions insalubres sont le lot quotidien de ces marginaux rejetés par les gens du cru, de rugueux paysans franchement hostiles. Leurs existences sonnent comme autant de constats d'échec des utopies d'une génération. Alba et Inti tentent de renouer des liens mère-fils. Dans Salamandra qui est son premier film, Pablo Agüero exploite avec une sincérité certaine la veine autobiographique pour conter l'histoire d'une communauté qui existe réellement et où il a lui-même grandi. Dans le personnage de la mère défaillante mais plutôt émouvante par sa naïveté, il n'est pas malaisé de déceler une projection de la propre mère du réalisateur tant il la considère avec tendresse. L'alternance des points de vue mène à une perte de repère qui fait pénétrer le spectateur dans l'intériorité des protagonistes. La narration décousue faisant la part belle aux sensations et aux émotions retranscrit leur confusion. Si la mise en scène peut paraître parfois un peu brouillon, les flottements et les incohérences parviennent à créer une atmosphère d'étrangeté singulière. L'idéal flower power a tourné au vinaigre et le malaise est palpable. Lyrique, psychédélique, bizarre.



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.