A l’occasion des vacances d’été, la famille de Bastien treize ans, bientôt quatorze, rejoint une amie de la mère dans un chalet perdu dans la forêt au cœur de la région du Matinoba au Québec. Bastien doit partager la chambre avec Chloé, seize ans. Trois à peine les séparent mais à cet âge c’est beaucoup. Le garçon est troublé de partager le quotidien d’une jeune fille. Chloé commence par l’ignorer puis peu à peu les liens se tissent. Ils apprennent à se connaître dans leurs différences, leurs similitudes. Dans la torpeur de l’été, ils vivent leurs premiers émois alors que l’idée de tomber amoureux est encore inquiétante, effrayante. Chloé et Bastien se plaisent. Ils hésitent, se cherchent. Du haut de ses seize ans, Chloé a des envies d’émancipation, de transgressions loin du regard des parents. En cachette, elle fume et boit de l’alcool, va faire la fête avec des adolescents plus âgés. Elle entraîne Bastien dans ses provocations. Et puis Chloé raconte des histoires de fantômes, de jeune noyé dont l’esprit hanterait le lac. Bastien préfère ne pas se baigner.
Premier film en tant que réalisatrice de Charlotte Le Bon, comédienne, plasticienne, ancienne Miss Météo à Canal, « Falcon Lake », en compétition à Cannes dans la sélection de la Quinzaine des réalisateurs, présenté à Deauville, a été distingué par le prix Delluc du premier film. La primo-cinéaste co-signe le scénario avec François Choquet, une adaptation du roman graphique de Bastien Vivès, « Une sœur ». Elle s’est appropriée l’histoire, s’éloignant du récit originel, pour développer un film d’initiation moins cru, récit adolescent et amoureux poétique.
Charlotte Le Bon imagine un monde visuel dans lequel se lit à la croisée des arts, l’influence de sa pratique du dessin et de la peinture sur son écriture et ses images. L’esthétique rétro, très années 1990, la musique, mélopée familière, infusent une douce nostalgie dans ce long-métrage estival et solaire que souligne le format carré 4/3. Le film a été tourné sur pellicule en super 16 ce qui confère une texture particulière à l’image, une sensorialité. La réalisatrice s’attache à capturer l’ambivalence des paysages, la beauté de la nature devenue personnage, ses mystères, une forme d’inquiétude latente. Le cadre idyllique, le chalet dans les bois joliment décrépi, est un motif bien connu des films d’horreur. Le lac argenté donne envie de traverser de l’autre côté du miroir, de l’autre côté de la réalité. Se baigner sans voir le fond apparaît à la fois merveilleux et délicieusement inquiétant. Charlotte Le Bon joue sur le contraste entre le jour doré et la nuit troublante dans une ode à une nature habitée. Le surgissement du fantastique vient confirmer la présence de l’invisible.
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