Cinéma : Les Ardennes, de Robin Pront - Avec Jeroen Perceval, Kevin Janssens, Veerle Baetens



Kenneth, un sanguin colérique et Dave, le benjamin, sont deux frangins liés par des sentiments fraternels complexes. Impliqués dans un braquage qui tourne mal, Dave parvient à s'enfuir tandis que l'aîné est arrêté. Kenneth refuse de dénoncer ses complices et passe quatre ans en prison. A sa sortie en conditionnelle, il est mû par le ressentiment qu'il éprouve à l'égard de ceux qui l'ont abandonné à son sort. Submergé par la colère et ses pulsions violentes, il éprouve des difficultés à se réinsérer, à se réadapter au quotidien. Lorsqu'il tente de se rapprocher de son ex, Sylvie, qui a pourtant cessé de venir le voir pendant son incarcération, il découvre qu'elle entretient une relation avec Dave et qu'elle est enceinte de ce dernier. Dave, tiraillé entre la femme qu'il aime et son frère, va se laisser entraîner malgré lui sur la pente choisie par Kenneth.







Film noir percutant, le premier long métrage de Robin Pront dont il a aussi signé le scénario, débute comme une chronique sociale blafarde à l'âpreté tendue qui portée par des engrenages fatals tend inexorablement vers la tragédie glauque. Malaise prégnant d'une ambiance poisseuse, humour très dark, la banlieue d'Anvers est le décor de cette histoire à la réalité brute où se mêlent précarité, violence ordinaire physique et morale, désespérance.

L'atmosphère suffocante de cette oeuvre stylisée est marquée par un sentiment d'étrangeté prégnant. Visuellement puissant, Les Ardennes révèlent les diverses influences esthétiques du réalisateur, de Nicolas Winding Refn aux frères Coen dans un traitement de la violence ultra-moderne et des choix graphiques forts, contrastes, désaturation, cadrages précis. Le fort pouvoir d'évocation des images doit beaucoup à la plasticité d'une réalisation au cordeau.

Le duo d'acteur - Kevin Janssens qui interprète un Kenneth à l'instabilité psychologique inquiétante et Jeroen Perceval, un Dave qui souhaiterait se ranger pour fonder une famille - incarne brillamment l'ambivalence des liens du sang dans une relation fraternelle délétère pas exempte d'amour sincère. Entre complicité et rivalité, les ressentiments sur fond de triangle amoureux présagent de l'intensité de l'affrontement dans lequel se mêle humiliation, soumission, admiration. La seconde partie du film qui tourne au thriller est l'occasion pour Robin Pront de projeter dans l'intrigue de nouveaux personnages imprévisibles qui ajoutent à la sensation de décalage tel que ce truand torse nu dans la neige.  




Surprenant, inattendu, Les Ardennes est un film à l'efficacité redoutable rythmé par une bande son électro d'anthologie. Sans en dévoiler trop, le dénouement final dans une atmosphère de fin du monde qui implique un troupeau d'autruches est tout à fait jubilatoire. Crépusculaire, sans concession, il possède le trouble d'une persistance rétinienne et le punch d'un uppercut bien mené.

Les Ardennes réalisé par Robin Pront
Avec Jeroen Perceval, Kevin Janssens, Veerle Baetens
Sortie le 13 avril 2016



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.