Paris : Villa des Tulipes, une oasis urbaine - XVIIIème



Caracolant depuis Montmartre vers Saint-Ouen, la rue du Ruisseau franchit d'un saut l'ancienne voie ferrée de la Petite Ceinture pour se terminer boulevard Ney. Au niveau du numéro 101, un jardinet cache l'entrée d'une charmante impasse pavée typiquement parisienne. Accueilli par une fresque représentant des enfants brandissant des fleurs, le flâneur curieux découvre un ancien chemin qui desservait de modestes cultures, une étroite bande de terrain nichée entre l'ancienne ligne de chemin de fer au sud et le boulevard au nord.  La villa des Tulipes, étroite ruelle bucolique où la brique contraste avec la pierre de meulière et les enduits chamarrés, est bordée de petits immeubles et de pavillons qui disparaitraient presque dans la luxuriance végétale. Bambous et rosiers en pot sur la chaussée rivalisent avec les envolées gracieuses de la glycine et l'exubérance des cerisiers. Balcons, terrasses, jardins et courettes abondamment fleuris donnent de pimpantes allures champêtres à ce havre de quiétude pourtant si proche de la trépidante porte de Clignancourt. Les lampadaires coudés façon becs de gaz à l'ancienne pour le cachet rétro, les volets aux couleurs vives pour la gaieté, et si nous n'étions plus tout à fait à Paris ?











Le cadastre de la première moitié du XIXème siècle indique que les terrains situés entre la rue Marcadet et les fortifications de Thiers créées entre 1841 et 1844 sont encore urbanisés. Cette mince plaine appartenant à la commune de Montmartre ne possède pas les richesses de la Butte. Les sols de qualité médiocre restreignent les cultures maraîchères. Betteraves, pommes de terre, maigres vignes poussent à grand peine dans des lieux-dits aux noms peu engageant les Graviers, la Chardonnière, les Malassis, les Grandes Friches. 

Trois voies autour desquelles se regroupent de rares habitations traversent la plaine : la rue du Mont-Cenis vers Saint-Denis, les rues du Ruisseau et du Poteau en direction de Saint-Ouen. A partir de l'annexion de Montmartre à Paris en 1860, la vie de l'arrondissement se développe et avec elle l'urbanisation qui débute par le pavement des rues. La place Sainte-Euphrasie renommée Jules Joffrin en 1895 voit le jour et en 1863 le tracé de la rue Ordener est fixé.

La petite impasse qui nous intéresse aujourd'hui se trouve alors Haute Malassis et s'appelle donc impasse Malassis. A partir de 1877, elle est indiquée sur les plans du cadastre sous le nom d'impasse du Ruisseau. Au XXème siècle, rebaptisée villa des Tulipes par les riverains propriétaires, la dénomination est entérinée par décret préfectoral le 7 juin 1954. Bien que n'envisageant pas de vivre hors de la ville, les Parisiens, qui n'en sont pas à un paradoxe près, rêvent tous de campagne et de verdure. Les villas et passages qui font fantasmer les citadins ont souvent échappé à l'appétit des promoteurs grâce à la ténacité des habitants.










Située dans un quartier réputé difficile, la villa des Tulipes a vécu quelques heures sombres lorsque drogue et prostitution ont failli, il y a une vingtaine d'année, faire fuir le voisinage. Le statut de voie publique ne permettant de fermer l'impasse, les amoureux de la villa ont alors réagi en soignant toujours plus le cadre. A force de persévérance, d'entretien et de vigilance, les riverains, soudés par une vie communautaire rare à Paris, ont réussi à préserver leur petit paradis. Ils ont d'ailleurs poursuivi leur action en transformant les talus de la Petite Ceinture en jardin partagé pédagogique destiné aux écoles du quartier.

Villa des Tulipes
Accès 101-103 rue du Ruisseau - Paris 18



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Le guide du promeneur de Paris 18è arrondissement - Danielle Chadych, Dominique Leborgne - Parigramme