La Candelaria, minuscule taqueria de la rue Saintonge, un bar à tacos spécialiste de la street food sud-américaine signée ici par le chef mexicain Luis, cache un secret, qui bien qu'un peu éventé au vu de son succès, fait toujours son effet. Passée la petite cantine, une porte anodine au fond de l'établissement aux deux facettes mène les curieux vers l'un de ces bars cachés dont raffolent les branchés parisiens. Pionnier en son domaine, la Candelaria a relancé à Paris, dès 2010, la mode des repères confidentiels jouant sur l'impression d'exclusivité puisque pour accéder au lieu, il faut le connaître et souvent détenir un précieux sésame. C'est ainsi. Dans les grandes villes, nous rêvons tous d'accéder aux endroits où l'on feint de pas vouloir de nous. Dois-je vous rappeler comment le Baron a forgé sa réputation ? Pas de ça à la Candelaria, tout le monde est le bienvenu. Expatriés anglophones, hipsters, jeunes gens de tous horizons, ce bar à cocktail cosmopolite et discret, conçu comme un speakeasy, ces fameux bars clandestins de la prohibition américaine, bouscule avec malice les habitudes des clients, underground policé et petit frisson satisfait à la clé.
A la tête de cette belle entreprise, deux américains, Adam Tsou, Joshua Fontaine et une colombienne, Carina Soto Velasquez qui ont fait leur début à l'Expérimental Cocktail Club véritable incubateur des talents de la nuit parisienne. Le succès de cette équipe de choc est tel qu'ils ont depuis lancé d'autres adresses dont le Mary Céleste, bar à huîtres du Marais, le Glass, bar à cocktails de Pigalle et Hero, le petit dernier de la rue Saint-Denis, resto de street food coréenne spécialiste des fritures et des cocktails itou.
La Candelaria doit son nom à l'un des quartiers historiques de Bogota et son ambiance colorée rend hommage à l'Amérique du Sud. Si la petite cantine à tacos joue la carte de la sobriété, l'envers du décor célèbre les nuits chamarrées colombiennes, subtilement dépaysant. A noter que le bar a fait partie de la liste The World's 50 best bars pour la quatrième fois cette année avec une jolie place en douzième position.
Les californiens David Rager et Cheri Messerli du studio Weekends ont imaginé une atmosphère feutrée à peine décalée, pierre et poutres apparentes, peau de mouton au mur, grigris exotiques, fenêtres rendues aveugles par des assemblages de planches, banquettes et fauteuils en bois, coussins multicolores, mosaïque de miroirs. Avec sa structure de bois brut patiné et son comptoir recouvert de plaques d'inox, le bar ressemble à un autel improvisé, entre installations de guirlandes lumineuses, bougies dans des niches et belle collection de spiritueux. Cosy et chaleureux.
N'en doutez pas la Candelaria est prise d'assaut tous les soirs d'autant que sa carte des cocktails allie originalité et art de la mixologie. Il se passe des choses tout à fait exquises derrière ce bar. Sirops faits maison, fruits frais, sélection pointue de spiritueux et barmen experts en compositions savantes sont la clé de cocktails très étudiés pour une expérience sensorielle divine. Le revers de la médaille : c'est la bousculade au comptoir et tout le monde se prend très au sérieux…
Les trois vedettes de la carte maison ne manque pas de piquant à commencer par la star incontestée, La guêpe verte, combinaison heureuse de tequila Arette blanco au piment, concombre, coriandre, agave, citron vert. Le Naked and famous, imaginé par Joaquin Simo du Pouring Ribbons à New York se compose de mezcal Del Maguey Vida, Aperol, chartreuse jaune, citron jaune et Le Jardin de mémé, au nom désopilant qui se décline sur la gamme basilic, chartreuse verte, Saint Germain, absinthe, citron vert.
Je me suis laissée tenter par un Mother's julep, une recette qu'Ivan Avellaneda bartender créatif tient de sa mère. Vodka Absolut Elyx, pastis, Suze, shrub (grog au sirop de fruit) fruit de la passion, jus de citron. Servi dans une timbale avec abondance de glace pilée, ce cocktail très fruité tout en subtilité est un bonheur, un peu traître par sa fraîcheur gourmande.
Pendant ce temps, l'une de mes comparses a osé commander une vodka tonic et le barman a failli faire une attaque. Crime de lèse-majesté ! La dégustation s'est poursuivi avec Orange is the new black, Carotte, téquila Arette, gingembre, mezcal Del Maguey Vida, kumbawa (ou combava, un agrume asiatique), citron jaune, plein d'esprit, curieux et bien relevé dans ses notes acides tempérées par la carotte. Et comme il fallait bien tester un classique comme point de comparaison le Cosmopolitan revisité est venu se joindre à ses petits frères : vodka infusé au citron vert, liqueur d'orange, cranberry, citron vert. Epatant de subtilité !
Jolie clientèle, cocktails d'enfer, DJ tous les week-ends, la Candelaria est à la hauteur de sa réputation. J'adore !
Candelaria
52 rue Saintonge - Paris 3
Horaires : bar tous les jours de 18h à 2h, taqueria dimanche à mercredi de 12h30 à 23h, jeudi à samedi de 12h30 à minuit, brunch le week-end de 12h30 à 16h
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
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