Théâtre : Poésie ? Fabrice Luchini



Fresque exaltée, intensément vivante jusqu’au vertige obsessionnel des ruminations, Fabrice Luchini nous invite à une causerie littéraire au cours de laquelle il explore son panthéon poétique. Convoquant Arthur Rimbaud, Victor Hugo, Paul Valéry, Molière, rendant hommage à Louis Jouvet, Michel Bouquet, Laurent Terzieff, il interroge l’énigme des grands textes, partage son amour de la langue, passion des mots et de la splendeur du style, mystère du verbe et de la création, grâce de l’interprétation habitée. Luchini démontre qu’il ne faut pas chercher à comprendre les poèmes tels que le Bateau Ivre mais au contraire y succomber, se laisser emporter par la musicalité de la littérature, sa substance sonore et ses grands silences. La poésie, au delà de la versification, trouve sa voie dans la prose de Flaubert, Céline ou dans une scène de Labiche. Unique, fascinant, un récital porté par un immense talent.




Fauteuil club, lampe à trépied, Fabrice Luchini interpelle les spectateurs depuis un plateau devenu salon cosy. Gare aux retardataires ou aux étourdis peu attentifs, il n’y va pas de main morte. Caustique, il épingle joyeusement son auditoire et ses contemporains par la même occasion. Devenu acteur presque par hasard, cet érudit autodidacte, artiste fascinant, lecteur habité, s’approprie les textes et la langue, dans un étourdissant voyage au cœur de la littérature. A pleine voix ou murmuré, il fait entendre le flot de la pensée qui court, diction singulière caractéristique, tout en ruptures de rythme, art de l’oraison, passeur exigent et universel.

Lorsqu’il évoque sa vie, anecdotes savoureuses, truculentes, de l’enseignement de Jean-Laurent Cochet, des grandes rencontres littéraires qui l’ont marqué, c’est de l’enrichissement personnel par la culture qu’il parle. Alors qu’affleure toujours une vague inquiétude, le frémissement d’une angoisse latente qui s’expriment dans des moments de folie, l’humour inépuisable, la politesse du désespoir selon Chris Marker – à ce sujet, je vous conseille un remarquable ouvrage de Dominique Noguez, La véritable origine des plus beaux aphorismes, Editions Payot – sert un art de la transmission aussi irrationnel que magistral.




L’insatiable curiosité de ce lettré illuminé, tout à la fois personnage et comédien, est contagieuse. Poésie ? donne envie de lire et de relire tant l’incarnation sensible de la langue nous transporte. Luchini nous fait entendre le texte comme jamais auparavant, interprétant et commentant avec une acuité, un instinct du rythme accompli qui mène à la compréhension mais aussi à une forme inouïe de liberté. Merveilleux moment de théâtre, inoubliable leçon de littérature et d’humanité.

36 rue des Mathurins – Paris 8
Réservations : 01 42 65 90 00
Jusqu'au 19 novembre 2015
Représentations le lundi à 20 h, du mardi au jeudi à 18h30

Reprise au Théâtre du Montparnasse 
Du 7 mars 2016 au 23 octobre 2017
31 rue de la Gaîté - Paris 14
www.theatremontparnasse.com