Cinéma : Manglehorn de David Gordon Green - Avec Al Pacino, Holly Hunter, Harmony Korine



Dans une petite ville du Texas, un serrurier misanthrope vit reclus avec pour seule compagne une chatte du nom de Fannie qui ne va pas très bien et ne mange plus. Depuis vingt ans, A.J. Manglehorn écrit jusqu’à l’obsession à Clara le grand amour de sa vie, partie il y a si longtemps et qui lui retourne toutes ses lettres sans les lire. Malgré les années, il ne parvient pas à surmonter cette perte, il s’enlise dans la monotonie d’un quotidien sans éclat, fuyant ses semblables avec qui il n’arrive pas à créer de liens comme Gary un ancien protégé dont il a été le coach et qui a mal tourné ou encore son fils Jacob, un trader arriviste. Amour perdu, héritage dilapidé, gloriole passée, et pourtant il y a les après-midi rieurs avec sa petite-fille et Dawn, une employée de banque qu’il croise tous les vendredis et qui ne cache pas son béguin pour lui. 






Alors que le réalisateur David Gordon Green a opté pour une esthétique naturaliste, quelques jolies trouvailles visuelles surréalistes ponctuent son film de touches poétiques décalées donnant à Manglehorn une plastique singulière, une atmosphère prenante de réalité étrange. Si cette comédie dramatique intimiste se veut chronique sensible de la solitude et de l’amertume, le ton languissant et la lourdeur métaphorique du scénario de Paul Logan plombe le film sur le thème du déclin plaintif frôlant parfois l’indigestion.

A cela s’ajoute un problème de rythme, des longueurs que ne parviennent pas à nous faire oublier des acteurs qui s’enlisent dans l’ombre d’Al Pacino. Le film trouve un semblant de second souffle avec le développement du personnage interprété par Holly Hunter, nuancée et sensible, seule comédienne à ne pas se faire totalement éclipser par la présence du monstre sacré grâce à l’alchimie du duo qu’ils forment.





Personnage vieillissant en quête de rédemption, homme taciturne, cabossé, claquemuré dans ses regrets et sa peur d’aimer, Al Pacino nous livre une performance incarnée toute en retenue même s’il semble parfois trop grand pour ce petit personnage de serrurier rongé par le remord et les aigreurs. Si le grand acteur peine à trouver des rôles à sa mesure, cela n’empêchera pas les fans d’espérer à chaque nouveau film et de se précipiter dans les salles obscures. Ce n’est pas encore pour cette fois-ci.




Manglehorn de David Gordon Green
Sortie le 3 juin 2015
Avec Al Pacino, Holly Hunter, Harmony Korine, Chris Messina