Théâtre : Kinship de Corey Perloff - Avec Isabelle Adjani, Vittoria Scognamiglio et Niels Schneider - Théâtre de Paris



La charismatique rédactrice en chef d’un journal local américain, deux enfants et un mari qu’elle aime,  s’éprend d’un petit reporter, charmeur arrogant, scénariste raté qui s’essaie au journalisme, et qui se trouve être, mais elle l’ignore, le fils de sa meilleure amie, pétulante mère intrusive. Le jeune homme tout d’abord obsédé par cette femme brillante et glaciale qu’il parvient malgré tout à séduire, finit par la repousser en réalisant qu’il ne l’égalera jamais, effrayé par cet amour dévorant. Histoire triangulaire de passion inassouvie et de transgression, Corey Perloff, l’auteur s’est librement inspiré lors de l’écriture de Kinship, de Phèdre de Racine, pièce qu’elle avait montée peu de temps auparavant et qui la hantait encore.






Réflexion sur le temps et les apparences, sur la vie intime s’invitant dans la sphère professionnelle,  Kinship, jamais jouée auparavant, est une création dont le montage a été mouvementé. Quelques semaines avant la première, le metteur en scène Julien Collet Vlanech a été remplacé par Dominique Borg également en charge des costumes tandis que la comédienne espagnole Carmen Maura se désistait au profit de l’italienne Vittoria Scognamiglio.

Plateau presque nu, dépouillement monacal, les tableaux sont éclairés par les vidéos et les photos d’Olivier Roset pour seul décor. Mise en scène sobre, intelligente, dispositif scénique pensé par Barnabé Nuytten, fils d’Isabelle Adjani, et centré sur le jeu des comédiens, apportent un intéressant contrepoids au chaos émotionnel de la pièce.






Isabelle Adjani endosse, une nouvelle fois, avec brio, le rôle tragique d’une grande amoureuse dévastée par les sentiments d’une passion débordante. Son personnage risque tout, sacrifie tout, sa carrière, sa famille, ses liens amicaux, au nom d’un désir ardent et destructeur. Malgré un texte plutôt plat, volontairement banal, versant dans le réalisme du quotidien et ponctué de nombreux clichés, elle parvient à incarner avec justesse l’émotion entre force et failles, les fragilités d’une femme gigantesque à laquelle elle prête son inénarrable présence. Niels Schneider, falot dans l’ombre de son amante, encombré d’une génitrice exubérante trop présente et d’un amour trop grand pour lui, donne une dimension touchante au freluquet vaguement agaçant qu’il incarne. Tandis que Vittoria Scognamiglio mère abusive, très nature, projette sur la pièce une énergie colorée, une touche comique qui rejoint les ombres lors du dénouement final.

Si le texte m’a laissé un peu dubitative, j’ai été subjuguée par l’interprétation d’Isabelle Adjani qui a réussi à m’arracher des larmes sur l’intensité de sa dernière réplique, immense comédienne susceptible de transcender tous les rôles en se mettant constamment en danger.   

Kinship, de Corey Perloff jusqu'au 25 janvier 2015
Avec Isabelle Adjani, Niels Schneider, Vittoria Scognamiglio
Mis en scène par Dominique Borg
Théâtre de Paris - 15 rue Blanche - Paris 9
Tél : 01 48 74 25 37
Du mardi au samedi à 21h, le samedi à 16h, le dimanche à 20h30. 
Réservations : Kinship au Théâtre de Paris