Alain Kramer, grand avocat arrogant, se réveille chez lui en pleine après-midi, nu dans un lit en compagnie de Nicolas Prioux, l’un de ses collègues, également en costume d’Adam. Les deux hommes ignorent comment ils sont arrivés là ou ce qui s’est passé entre eux. Décontenancés par cette situation incongrue, ils tentent de lever le mystère de leur black-out quand surgit Catherine, l’épouse de Kramer. En plein déni et prêt à raconter n’importe quoi pour sauver son couple, ce dernier se lance dans des explications abracadabrantes. Histoire classique prise à rebrousse-poil du triangle amoureux, le mari, la femme et l’amant dans une comédie absurde sur les incertitudes du désir entre farce et levée des tabous de la bourgeoisie.
© Laurencine Lot
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Dans ce vaudeville entre hommes, Sébastien Thiéry laisse libre court à sa plume acérée entre réalité et fantastique. Il met son imaginaire débridé à la disposition d’une histoire où l’absurde nourrit une inquiétude sourde malgré l’hilarité que provoque cette spirale frénétique de quiproquos et de stratagèmes cocasses. Avec un sens aigu du rythme, les coups d’éclats qui ponctuent la pièce font peu à peu glisser les certitudes, libérant les zones d’ombres des protagonistes, faisant voler en éclats les tabous de la bourgeoisie. Les dialogues affûtés explorent jusqu’à l’exagération les troubles de la personnalité et le refoulement des désirs.
Ladislas Chollas signe une mise en scène enlevée. Les décors soignés sur fond de vidéos d’immeubles créent une atmosphère de rêve éveillé dans les beaux-quartiers. Les comédiens font montre d’une énergie réjouissante englués dans une trame de départ insondable. François Berléand, drôle, touchant dans son rôle de menteur désespéré tout en failles et fragilités se débat avec maestria contre son inconscient. Délicieuse en femme au bord de la crise de nerfs, Isabelle Gélinas campe une épouse outragée, sincère, faisant preuve d’une belle palette de sentiments tandis que Sébastien Thiéry procure au personnage coincé qu’il incarne toute son ambivalence.
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L’énigme non-résolue de la situation de départ fige le rire dans un comique de situation entre angoisse et schizophrénie tandis que la déconvenue du flagrant délit place en exergue la complexité des caractères. Deux hommes tout nus remet en cause avec férocité l’image du couple traditionnel, la conscience de nos désirs cadenassés sous le vernis de l’animal social. Des comédiens réjouissants, un texte taillé au cordeau pour une pièce qui sous ses allures frivoles boulevardières révèle une profondeur intéressante.
Deux hommes tout nus
19 rue de Surène - Paris 8
Metteur en Scène : Ladislas Chollat
Interprètes : François Berléand, Isabelle Gelinas, Sébastien Thiéry et Marie Parouty
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