A travers l’œuvre de Jules de Balincourt, le spectateur est violemment projeté dans la culture visuelle contemporaine. L’énergie du trait et de la couleur dont les harmonies se déploient jusqu’à la stridence, imprègnent les toiles qui évoquent fauvisme, expressionnisme ou encore art brut. Né à Paris en 1972, la famille de l’artiste déménage à San Diego dans les années 80. Jules de Balincourt vit et travaille à Brooklyn, new-yorkais d’adoption marqué par les couleurs de la Californie. Les camaïeux évoquent aussi bien le solaire David Hockney que le mélancolique Edward Hopper et entrent en résonance avec la réalité qui se dissout dans les aplats de couleurs primaires. Les œuvres sont autant d’invitations à l’évasion pour le meilleur et pour le pire. Fuite pour échapper à un mystérieux danger, fuite en avant frénétique, métaphore du monde actuel qui tend vers un rassemblement phagocytant les identités. Le mouvement compulsif de la foule est au centre de son travail.
Le vocabulaire pictural de Jules de Balincourt, volontairement ambigu, entre art brut et abstraction mêle désenchantement coloré et narration baroque, soulignant le trouble de l’activité humaine, grouillante, entomologique, qui s’épanouit dans des lieux de loisirs artificiels. Les heures bleues de l’artiste soulignent l’angoisse sous-jacente des concentrations de la transhumance estivale, les paradis exotiques devenus enfers modernes. La réalité déformée, et pourtant rendue palpable dans son inquiétude échevelée du mouvement perpétuel, permet de se déplacer à travers l’espace intime de l’artiste. La vision globale s’altère à mesure que le regard se focalise sur les détails révélant le sens profond de l’œuvre. Fragmentation de la réalité juxtaposant éléments abstraits et figuratifs, lourde charge de symboles contemporains, religieux, médiatiques, politiques, Jules de Balincourt détourne les images dont nous abreuvent les medias de masse. Effet de foisonnement, écho hypnotique ou au contraire épure vertigineuse, l’artiste projette sur la toile les persistances rétiniennes d’images fugitives.
Les réalisations intuitives, exécutées sans croquis préalable, font jaillir une réalité ambiguë. Les couleurs chamarrées, radieuses, sont comme ternies par un sentiment trouble, délétère qui imprègne chacune des œuvres. Les différents niveaux de lecture, le champ de l’intime et la représentation de la réalité quotidienne, permettent de révéler les observations de l’artiste entre onirisme, ordinaire presque naïf et acuité féroce face aux travers de notre monde, les effets pervers de la mondialisation menant à l’uniformisation radicale de l’humanité.
Jules de Balincourt : Blue Hours
Jusqu'au 18 octobre 2014
Jusqu'au 18 octobre 2014
Galerie Thaddaeus Ropac
7 rue Debelleyme - Paris 3
Tél : 01 42 72 99 00
Horaires : du mardi au samedi de 10h à 19h
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