Longtemps seules sources d’approvisionnement en eau des Parisiens, les fontaines publiques sont devenues de nos jours des éléments de décoration agrémentant places et espaces verts. L’apaisante musique du ruissellement de l’eau chante le retour des beaux jours jusqu’aux premiers frimas. Si la plupart se parent des grâces du néo-classicisme haussmannien, les fontaines modernes gagnent peu à peu le cœur des habitants à travers leur originalité. C’est le cas de la fontaine du square Alban Satragne situé à quelques encablures de la Gare de l’Est, quartier populaire par excellence où se croisent une population très diverse. Peu commune est l’histoire de cet espace vert créé en 1963, lieu propice au loisir et à la contemplation et dont l’air de jeux est particulièrement appréciée des enfants du quartier. On y trouve une halte crèche, un centre social, un centre culturel, un gymnase, et une bibliothèque. Un jardin et une école maternelle occupent aujourd’hui le nord de la parcelle.
Les 3400m2 du square sont situés sur l’emplacement de l’ancienne prison Saint-Lazare - probable déformation de Saint-Ladre - une léproserie transformée en 1791 sous la Révolution en prison, antichambre de la guillotine. Talleyrand-Périgord, l’abbesse de Montmartre, le peintre Hubert Robert ou le poète André Chénier y furent enfermés. A partir de 1795, elle n’accueille plus que des femmes dont les plus célèbres locataires sont Louise Michel, Mme Steinheil (maîtresse de Félix Faure, accusée à tort du meurtre de son mari), Mme Caillaux ou encore Mata Hari.
Par la suite, cette institution voit passer essentiellement des prostituées arrêtées sur la voie publique pour racolage. Fermée en 1932, puis démolie en 1935, la Ville de Paris y fait bâtir l’hôpital Saint-Lazare qui ferme à son tour en 1998. De la prison, il demeure quelques vestiges visibles au fond du jardin, l’infirmerie et la chapelle toutes deux construites en 1824 par l’architecte Louis-Pierre Baltard, père du célèbre Victor Baltard qui travailla aux côtés du baron Haussmann durant la période des grands travaux de transformation de Paris sous le Second Empire.
En 1990, alors que l’hôpital Saint-Lazare est toujours en activité, la municipalité décide d’offrir au square une fontaine colorée en mosaïque à laquelle font écho des bancs et des murets ornés de motifs chamarrés afin d’en animer les lieux jusque là plutôt moroses. L’architecte Jean-Luc Giraud est chargé de concevoir les nouveaux aménagements.
Pour la fontaine, les mosaïques réalisées par l'artiste céramiste Michel Duboscq en 1992, s’inspirent des oiseaux lunaires de Joan Miró réalisant des motifs en céramique dont les couleurs primaires chatoient sous le flot d’une eau jaillissant en fins jets au sommet d’un cône. Les volatiles du quartier y prennent grand plaisir. Les pigeons du pigeonnier municipal tout proche se sont appropriés cette jolie création pour en faire leur spa privé. Ils s’ébrouent avec ravissement dans l’onde claire, spectacle saisissant et presque charmant - il s’agit tout de même de pigeons pas de mignons petits moineaux. A l’entrée du parc, se trouve un étrange bassin à sec paré de murets aux mosaïques de la même eau. Terrain de boules ou partie secondaire de la fontaine dont la fonction première aurait été détournée, je n’ai pas trouvé de renseignements précis à ce sujet.
Fontaine Alban Satragne
Square Alban Satragne - 107 bis rue du Faubourg Saint Denis - Paris 10
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