Paris : Le Bel Costumé de Jean Dubuffet - Terrasse du Jeu de Paume dans les jardins des Tuileries - Ier



Le site des Tuileries est porteur d’une longue tradition de création dont témoignent le palais du Louvre, la pyramide de Pei ou encore les œuvres de Maillol placées dans les jardins du Carrousel sous l’impulsion de Malraux. En décembre 1998, une dizaine de sculptures contemporaines, commande de l’Etat financée par le Fond National d’Art Contemporain Direction de l’Architecture et du Patrimoine, prennent place dans les jardins, véritable dialogue vivant à travers les siècles entre le patrimoine et les artistes du XXè siècle. Ce réaménagement échappe à la sclérose de l’académisme et enrichit l’héritage artistique du Paris historique d’une nouvelle audace créatrice. Parmi ces œuvres monumentales, "Le Bel Costumé" de Jean Dubuffet. Cette sculpture singulière de 4 mètres de hauteur,  en résine époxy et peinture polyuréthane, se dresse dans un sage triangle de pelouse sur la terrasse du Jeu de Paume, clin d’œil à la première exposition du musée inauguré en 1991 et consacrée à l’artiste, Dubuffet les dernières années. Plasticien majeur du siècle dernier, il cherche à créer un art libre de préoccupations intellectuelles, primitif, essentiel, candide.








Imaginé en 1973, Le Bel Costumé fait initialement partie d’un groupe monumental qui devait orner le hall d’entrée d’une aile de la National Gallery de Washington (USA) - un projet pour lequel Dubuffet a réalisé plusieurs maquettes d’architecte. Cette sculpture appartient au cycle de l’Hourloupe (1962-1974) dont les origines tiennent de l’anecdote amusante et du hasard.

L’artiste avait pris l’habitude de griffonner sur un carnet au stylo bille lors de ses conversations téléphoniques. Interpellé par le graphisme des dessins réalisés de manière automatique, il systématise le processus dès 1962. Le nom de ce cycle est tiré du titre d’un livre contenant des reproductions de dessins au stylo bille, un nom que Jean Dubuffet associe par assonance à hurler, hululer, loup, Riquet à la houppe, le roman de Maupassant, Le Horla.








Dans ces œuvres, Jean Dubuffet fait disparaître les textures pour se concentrer sur une quadrichromie en bleu, rouge, noir, blanc. Les dessins largement cloisonnés de noir, avec hachures et aplats distinctifs, forment une prolifération de cellules, inventaire d’un monde parallèle au nôtre. Très vite lui vient l’envie de les transposer dans le monde réel de la construction en leur offrant une vie tridimensionnelle, « donner à ces graphismes s’échappant de la feuille plane qui leur sert habituellement de support, des dimensions monumentales ». Il applique le procédé à la sculpture, à de vastes installations architecturales.

Le processus de création passe dans un premier temps par la réalisation de ce qui est communément appelé maquette d’architecte sans pour autant correspondre exactement à la définition. Dubuffet envisage cette étape comme un champ d’expérimentation sans forcément prévoir ni désirer une exécution du projet. L’artiste sculpte au fil chaud des blocs de polystyrène expansé matériau particulier qui lui donne « liberté et immédiateté comme avec un crayon courant sur le papier. » Il invente alors une méthode de transfert lui permettant d’agrandir les créations en exécutant un moulage en résine époxy des œuvres taillées dans le polystyrène via une machine appelée le pantographe 








Dix ans avant sa disparition, Jean Dubuffet crée sa propre fondation afin de maintenir groupé un ensemble significatif de ses œuvres. Il confie à cette fondation toutes ses maquettes d’architecte, lui donnant la possibilité de répondre à des commandes privées ou publiques en matérialisant les sculptures monumentales. Les agrandissements sont réalisés par des praticiens expérimentés ayant travaillé avec l’artiste. Lors de l’exécution d’une œuvre, les travaux sont effectués sous le contrôle de la Fondation Dubuffet qui supervise chaque étape, du moulage à l’installation finale sur le site. C’est ainsi que le projet du Bel Costumé est concrétisé en 1998 en plein accord avec les desiderata du plasticien décédé en 1985.

Pour Jean Dubuffet, l’œuvre doit demeurer une question et ne pas donner de réponse, elle ne doit pas être élucidable. Elle offre une ouverture du champ des possibles, invite au voyage et à la réflexion. Le Bel Costumé semble animé d’un mouvement, de danse peut-être, joyeuse figure humanoïde qui nous salue de la main pleine de mystère et sujet à toutes les interprétations.

Le Bel Costumé - Jean Dubuffet (maquette 1973 - réalisation 1998)
Jardin des Tuileries - Terrasse du Jeu de Paume - Paris 1