Paris : Cité Jandelle, souvenirs du vieux Belleville - XIXème



L'Est de Paris, populaire et ouvrier offre un paysage urbain contrasté. Le quartier administratif Combat dans le XIXème arrondissement en est un exemple frappant. Parmi les tours d'habitation, les immeubles haussmanniens bordant le parc des Buttes Chaumont, les constructions de l'entre-deux-guerres, il demeure encore quelques petites maisons individuelles appartenant à l'ancien tissu urbain bellevillois. Victime des grands aspirations bétonnières des années 60/70 quand l'architecture a pris le pas sur l'histoire et remodelé le territoire de la ville, celui-ci est aujourd'hui réduit à peau de chagrin. La rue Rébeval, ancien chemin Saint-Laurent menant de Belleville au quartier Saint-Laurent par le chemin de la Chopinette de l'autre côté du boulevard, date de 1672. Du côté des numéros impairs, les nombreuses ruelles de traverse étaient des passages qui conduisaient aux moulins et aux carrières de la Butte où l'on extrayait sable, pierre à bâtir, argile, gypse. Entre les 53 et 55 de la rue Rébeval, s'ouvre la cité Jandelle, étroite allée se terminant en impasse, à priori pas franchement avenante, qui réserve de jolies surprises pour peu que le flâneur prenne le temps de s'y attarder.










La cité Jandelle porte le nom d'un ancien propriétaire, architecte de la Belle Epoque, Edouard Jandelle-Ramier à qui l'on doit notamment le célèbre Parisiana, un café-concert ouvert en 1894 au 27 boulevard Poissonnière. Il fut une salle de spectacle et l'un des premiers lieux d'exploitation du cinématographe repris par Gaumont à partir de 1957 puis fermé définitivement en 1987 pour faire place à un grand magasin de jouet. La cité Jandelle est une voie privée ouverte à la circulation dont le statut ambigu a été longuement discuté par les édiles municipaux envisageant un classement dans le domaine public. La municipalisation des voies privées est une procédure lourde engendrant d'importants travaux de mise aux normes - assainissement et voirie - qui doit répondre à des motifs d'intérêt public.

Artistes peintres, designers nombreux à résider dans la cité Jandelle s'inspirent de l'atmosphère singulière qui y règne. Le début de la ruelle s'ouvre sur des petits immeubles et des courts de tennis municipaux le long desquels d'anciens garages, boxes de voiture peu attractifs, ont été transformés et rehaussés pour devenir des pavillons en duplex ou triplex. 

En progressant plus loin, se dévoile la véritable pépite des lieux, une trace vivace du tissu urbain bellevillois originel. D'anciennes maisons rénovées fleurissent dans l'abondance verdoyante de jardinets entretenus avec passion. Au numéro 12, une maison datant de 1886 signée par Edouard Jandelle-Ramier porte au fronton tête de femme sculptée. La bâtisse est reliée à une autre construction de la même époque par un escalier.










Parées de couleurs joyeuses, rose, jaune, vert, bleu, ces édifices à échelle humaine évoquent ce que fut le quartier Rébeval avant les transformations radicales des années 70 qui ont nuit à la vie de quartier et au charme villageois d'un Belleville qui était cependant devenu insalubre. Dans le triangle formé par la rue Rébeval et les boulevard et rue de Belleville, 2400 logements neufs ont succédé à des habitations souvent vétustes dont près de la moitié ne possédaient même pas l'eau courante. Depuis le milieu des années 80, les travaux nouvelle direction, reconstruire la ville en aménageant, réhabiliter les anciennes structures quand cela est possible plutôt que détruire dans un souci de respect de l'histoire et de l'esthétique.

Afin de protéger la cité Jandelle de l'appétit des promoteurs, les riverains ont fondé en 1997 une association de défense des propriétaires, le Clos Jandelle visant à obtenir un classement de la cité en zone de protection du patrimoine urbain et paysager. Malheureusement, je n'ai pas trouvé de détails sur l'aboutissement de leur initiative. Chers lecteurs, si vous avez de plus amples informations, je serais ravie d'en savoir plus.

Cité Jandelle - Paris 19
Accès par le 53 rue Rébeval



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Le guide du promeneur de 19è arrondissement - Elisabeth Philip - Parigramme
Dictionnaire historique des rues de Paris - Jacques Hillairet - Editions de Minuit

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