Ailleurs : Arsenal Saint Hilaire de Sélestat, mémoire militaire alsacienne depuis le XVIème siècle, réinvention pacifique contemporaine

 

L'arsenal Saint Hilaire de Sélestat comporte au linteau d'une porte sur cours, la mention 1518, date présumée de son achèvement. Briques et chaînages d'angle en grès, sa silhouette se caractérise par une toiture modelée pour abriter un grenier sur trois niveaux à charpente de bois remarquable. Il remplace alors un arsenal plus rudimentaire conçu en 1280, érigé entre la Tour Neuve et la Kugelturm, à l'occasion de la construction de la deuxième enceinte défensive de Sélestat. Le "Zeughaus" se compose alors de deux bâtiments autonomes, celui qui nous est parvenu sur cour et un second sur rue, rasé en 1910. De nos jours, l'arsenal Saint Hilaire embrasse une vocation plus pacifique. Il a été réhabilité en complexe hôtelier, Le Rhenanus, doublé d'une agence d'architecture Projart.

  




Édifié au cours de la campagne de construction de la deuxième enceinte défensive de la ville, l'arsenal du XVIème siècle voit le jour en pleine Renaissance alsacienne, âge d'or de la cité. Le rayonnement international de son école latine, sous l'influence de Beatus Rhenanus (1485-1547) et son ami Érasme de Rotterdam (circa 1466-69-1536), attire lettrés, hommes de sciences et poètes. Sélestat devient alors capitale de l'humanisme Rhénan. 

Dans le même temps, grâce à son emplacement stratégique sur l'Ill, cours d'eau qui traverse la plaine d'Alsace, le commerce sélestadien connait un essor important. La vitalité des corporations marchandes confère une nouvelle prospérité à la ville. Riche et réputée, l'organisation d'une défense préventive contre d'éventuels pillards ou envahisseurs devient indispensable. La construction du Zeughaus, entrepôt d'armes et de munitions, s'inscrit dans cette démarche. Sélestat acquiert un statut de place importante de l'histoire militaire et politique de l'Alsace. L'arsenal originel s'avère rapidement trop exigu. En 1534, le Magistrat - conseil municipal - lui adjoint le premier étage d'une halle construite en 1470 et dédiée à la conservation des marchandises et des denrées, bâtiment aujourd'hui connu sous le nom d'arsenal Sainte Barbe.

Au cours de la guerre de Trente ans, la ville de Sélestat est conquise à deux reprises en 1632 et 1634 par les troupes suédoises puis françaises. Elle perd son statut de ville libre du Saint Empire romain germanique pour passer sous domination française. 

Le commandant d'artillerie de la place de Sélestat de 1785 à 1791, Marc Gaspard Capriol de Saint-Hilaire (1729-1801) donne son nom à l'arsenal Saint-Hilaire lors de son entrée en fonction. Le bâtiment conserve alors armes, munitions, mais également plomb, goudron, salpêtre, nécessaires à la fabrication de ces dernières. 

En 1814, à la fin de la Campagne de France (1813-1814), dernière phase de la guerre menée par la Sixième Coalition contre l'Empire français qui précipitera la chute de Napoléon Ier, les troupes bavaroises tiennent le siège de la ville de Sélestat. Un vaste incendie se déclare et menace l'arsenal. Une évacuation d'urgence des matériels est organisée afin d'éviter une explosion susceptible de détruire dans son souffle toute la cité.

Au lendemain de la guerre franco-prussienne de 1871, l'Alsace et la Moselle sont annexées par l'Empire allemand. À Sélestat, les fortifications conçues par Vauban en 1691 sont démantelées. L'arsenal Saint-Hilaire perd sa fonction d'entrepôt de guerre pour être converti en caserne. 

En 1910, le second bâtiment, sur rue, démoli par l'administration militaire allemande, fait place à un bureau de recrutement de l'armée, construit dans un style néo-Renaissance. Dans l'entreprise disparait un escalier à vis remarquable daté de 1617.




Au lendemain de la Première Guerre Mondiale, le Traité de Versailles rend l'Alsace et la Moselle à la France. Mais en 1940, à la suite de la défaite française face aux troupes du IIIème Reich, l'Alsace est à nouveau annexée, de fait, par l'Allemagne.

À la fin de la Seconde Guerre Mondiale, l'arsenal Saint Hilaire est affecté au Ministère de la Défense. Classé partiellement à l'inventaire des Monuments historiques par arrêté de 1983, la Ville de Sélestat s'en porte acquéreur en 1986. La protection patrimoniale concerne l'ensemble des toitures et les façades. Un projet de médiathèque développé en 1993 est abandonné laissant l'avenir du bâtiment en suspens. 

En 2014, la toiture vétuste fait l'objet d'une restauration intégrale. Elle est recouverte de tuiles en queue de castor dites "biberschwanz", typiques de la région.

À la fin des années 2010, une entreprise privée propose de convertir l'arsenal Saint Hilaire en complexe hôtelier touristique. Le bâtiment fait l'objet d'une restauration d'envergure menée en collaboration avec la Conservation régionale des Monuments Historiques de la Direction Régionale des Affaires Culturelles du Grand Est. La réhabilitation achevée en 2020 donne naissance à un ensemble d'appartements de tourisme, réunis sous la dénomination de Rhenanus, destinés à l'hébergement temporaire des visiteurs de passage.

Arsenal Saint Hilaire
20 rue des Chevaliers - 67600 Sélestat




Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.