Série Porter - William Kentridge |
"William Kentridge. Listen to the echo", double rétrospective au Musée Folkwang d'Essen et aux Staatliche Kunstsammlungen de Dresde, rend compte de l'évolution d'un art protéiforme. Panorama en 160 oeuvres de 50 ans de création, des années 1970 à nos jours, l'exposition développée à Essen rend compte des différentes formes d'expression explorées par le plasticien : dessins, gravures, sculptures, tapisseries, objets cinétiques, films d'animation, installations cinématographiques, productions théâtrales et opératiques d'envergure. William Kentridge a été distingué en 2024 par le Prix international Folkwang.
Série Drawings for Projection (1991-2020) |
Série Drawings for Projection (1991-2020) |
Né en 1955 à Johannesburg en Afrique du Sud, William Kentridge fête cette année ses soixante-dix ans. Il acquiert une grande reconnaissance à la fin des années 1980, grâce à ses courts-métrages d'animation qui dénoncent le régime de l'apartheid (1948-1991) dans son pays natal. Son oeuvre pluridisciplinaire questionne l'héritage de la colonisation et de la guerre, les traumas, la violence, l'oppression, le racisme, les changements sociaux abordés du collectif à l'intime, les paradoxes. William Kentridge manifeste très tôt un intérêt pour le processus créatif collaboratif. Il s'engage pour le rayonnement de la création émergente en cofondant en 1996, le Centre for the less good idea, à Johannesburg.
Les oeuvres présentées au sein du Musée Folkwang lancent des ponts entre les héritages et les cultures. William Kentridge fait un parallèle entre l'industrie minière sud-africaine en particulier à Johannesburg et l'industrie du charbon et de l'acier de la Ruhr. Aujourd'hui les mines d'or de la capitale sud-africaine, officiellement closes, continuent d'être exploitées illégalement dans la clandestinité par des mineurs improvisés qui travaillent sans protection au marteau et au burin.
Les premières installations, dispositifs de projections multicanaux, se déploient à travers les espaces d'exposition temporaire du musée. Elles diffusent en continu quatre courts-métrages de la série "Drawing for protection". Celle-ci comprend onze films d'animation, développés selon un principe de production spécifique, chaque séquence étant réalisée à partir d'un dessin au fusain.
Faustus in Africa ! Colonial Landscapes |
Série Colonial Landscapes |
Série Colonial Landscapes |
Série Colonial Landscapes |
Série Colonial Landscapes |
"Colonial landscapes" s'inspire du projet théâtral "Faustus in Africa !", monté en 1995 en collaboration avec la Handspring Puppet Company. Un Faust colonisateur s'embarque pour l'Afrique guidé par Méphisto. William Kentridge dessine des paysages africains à la façon des naturalistes qui accompagnaient les expéditions coloniales. Il inscrit
"Kaboom !", installation multimédia, vidéo à trois canaux, est projeté sur une maquette de la scène de la performance originelle de Kentridge, "The Head and the Load" créée en 2016 à La Tate London. Cette oeuvre d'animation en stop motion raconte l'histoire d'1,5 million de porteurs africains, employés par les puissances coloniales européennes, britannique, allemande et française durant la Première Guerre Mondiale. La procession, motif artistique récurrent prisé de Kentridge, devient ici arc dramatique. L'artiste associe documents historiques, couches dynamiques de dessins, images animées, textes projetés de Tristan Tzara, John Chilembwe et Frantz Fanon sur des volumes en papier, des objets trouvés. Au morceau "Kaboom" composé par Philip Miller et Thuthuka Sibisi, s'ajoutent musique orchestrale, compositions de Fritz Kreisler, Paul Hindemith et N'Faly Kouyaté ainsi que des sons enregistrés durant la Première Guerre Mondiale de prisonniers africains.
Série Porter |
Série Porter |
Film Ubu tells the truth |
Demande - Impossible ! |
Self-portrait as a coffee-pot |
"Porter" est une série de quinze tapisseries réalisées entre 2001 et 2007, d'après des collages de cartes géographiques de l'Europe au XIXème siècle. Elle évoque à la fois les porteurs africains et les migrants surchargés de ballots, les maigres biens qu'ils ont pu emporter.
Sur les airs de "La flûte enchantée" de Mozart, le théâtre mécanique miniature "Black Box / Chambre noire" convoque la mémoire du génocide des Hereros et des Namas. William Kentridge rassemble documents d'archives, dessins, animation pour nourrir un récit puissant. En Afrique du Sud-Ouest allemande, l'actuelle Namibie, les colons allemands mettent en place un programme d'extermination en parallèle du processus de conquête coloniale entre 1884 et 1911. Perpétré par les forces coloniales allemandes sous les ordres de Lothar von Trotha en 1904, ce crime de masse est considéré comme le premier génocide du XXème siècle. 80% des insurgés autochtones et leurs familles sont assassinés. Leur histoire n'a été redécouverte qu'à partir des années 1990
"To cross one more sea", version cinématographique projetée sur trois écrans d'une performance "The great yes, the great no" a été présentée en 2024 à LUMA à Arles en avant-première. Sur les thématiques des déplacements contraints, de la migration, du déracinement, William Kentridge croise les éléments historiques avec la fiction. Le synopsis s'inspire de la réalité, un épisode survenu durant la Seconde Guerre Mondiale. Trois-cent-cinquante personnes embarquent sur un bateau à Marseille en direction de la Martinique pour fuir le régime de Vichy et échapper aux Nazis. William Kentridge imagine qu'André Breton, Suzanne et Aimé Césaire, Joséphine Baker, Frantz Fanon, les soeurs Nardal, Léon Gontran Damas, Joséphine de Beauharnais, à leur tour montent à bord d'un navire de fortune pour un périple transatlantique.
La dernière étape de l'exposition "Self-portrait as a coffee-pot" (2021) invite le visiteur à pénétrer dans l'atelier, espace de création collective et donne un aperçu du processus créatif et des méthodes développées par William Kentridge.
William Kentridge Listen to the Echo
Jusqu'au 18 janvier 2026
Museum Folkwang
Museumsplatz 1 - 45128 Essen - Allemagne
Tél : +49 201 8845 000
info@museum-folkwang.essen.de
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
Série Self-portrait as a coffee-pot |
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