Expo : Le Brésil illustré, l’héritage postcolonial de Jean-Baptiste Debret (1768-1848) - Maison de l'Amérique Latine - Jusqu'au 4 novembre 2025

 

"Le Brésil illustré, l’héritage postcolonial de Jean-Baptiste Debret (1768-1848)" se tient au sein de la Maison de l'Amérique Latine dans le cadre de la saison culturelle 2025 France-Brésil. Artiste français, réputé en Amérique latine où il est redécouvert au XXème siècle, Jean-Baptiste Debret semble oublié en Europe. Son œuvre majeure, le recueil "Voyage pittoresque et historique au Brésil", publié entre 1834 et 1839, fait l'objet d'un rejet violent lors de sa parution. Ses prises de position critiques envers la société brésilienne choquent. Sa dénonciation de l'esclavage provoque la censure. L'ouvrage en trois tomes comprend près de deux-cents images et quatre-cents pages de texte explicatifs. Jean-Baptiste Debret s'y attache à saisir le quotidien brésilien. Il contextualiste la création d'une nation d'exilés européens fondée sur le génocide des Amérindiens et l'esclavage des Africains. Ces images, contribution importante, représentation réaliste bien qu'imparfaite, sont aujourd'hui largement diffusée au Brésil, source principale d'illustration de la période monarchique du XIXème siècle.

À la Maison de l'Amérique Latine, les commissaires Jacques Leenhardt, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, et Gabriela Longman, journaliste, curatrice, universitaire, ont choisi de poser en regard les oeuvres originelles et les créations contemporaines inspirées par les lithographies de Jean-Baptiste Debret. Une nouvelle génération d'artistes brésiliens réplique, initie un dialogue pour mieux se réapproprier l'identité brésilienne en affirmant celle de leurs ancêtres privés de leurs origines, communautés dépouillées de leur culture autochtone, population arrachée à leurs terres natales, à leur identité. Elle interroge sur la façon de faire société aujourd'hui en affrontant l'histoire. 


Jena-Baptiste Debret - Carnets de dessins et aquarelles - Costumes du Brésil vers 1830

Gianni Burattoni Jean-Baptiste Debret au travail dans une rue
Jean-Baptiste Debret - Mon atelier de Catumbi à Rio de Janeiro

Jean-Baptiste Debret 

Jean-Baptiste Debret truc - Forêt vierge, les abords du Paraïba

Heberth Sobral - Serradores - Série Estandartes (2016)


Jean-Baptiste Debret, peintre d'histoire officiel de la cour impériale, cousin de Jacques-Louis David (1748-1825), quitte la France à la chute de Napoléon. En 1816, il est engagé par la couronne portugaise afin de participer à une mission au Brésil alors colonie lusitanienne. Quarante artistes d'horizon variés y participent dans le but de créer une académie des Beaux-Arts à Rio de Janeiro. Celle-ci ne verra jamais le jour. 

Debret réside à Rio de Janeiro. Il prend l'habitude de croquer le quotidien du peuple brésilien directement dans la rue. Durant les quinze ans de son séjour, il voyage peu : une excursion à Nova Friburgo à l'intérieur des terres et un périple plus long, au Sud du pays, en 1827. Entre 1820 et 1831, période de troubles sous la monarchie constitutionnelle du tout jeune empire brésilien, il réalise huit-cents aquarelles. Le traité de Rio de Janeiro de 1825 reconnait l'indépendance du Brésil. Le fils aîné de Jean VI, roi du Portugal, est couronné empereur du Brésil. Il devient Pierre Ier.

En 1831, Jean-Baptiste Debret retourne en France. Il ne reviendra jamais au Brésil. Membre de l'Institut historique de Joseph François Michaud, il s'attache à publier son "Voyage pittoresque et historique au Brésil". À partir des dessins aquarellés exécutés au Brésil, il compose cent-cinquante-trois planches. L'aspect historiographique des volumes qu'il publie, témoigne d'un projet politique, confrontation à la réalité coloniale, observation de la création d'une nation. L'artiste y dénonce le sort réservé aux autochtones et aux Afrodescendants, la violence, les abus, les privations. Ces vies laborieuses sans liberté contrastent avec l'oisiveté des colons portugais, allemands, français, anglais, autrichiens qui refusent de travailler. 

Le premier tome de 1834 est consacré aux Amérindiens et la forêt amazonienne. Le deuxième tome paraît en 1835. Il représente la vie des esclaves noirs dans un cadre urbain ainsi que dans les plantations de cannes à sucre et de café. Le troisième tome, en 1839, met en lumière le quotidien, la culture, le folklore et les traditions populaires du peuple de Rio. 


Anna Bella Geiger - Little Girls & Little Boys, série Historia di Brasil (1975)

Jaime Lauriano - Trabalho (2017)

Heberth Soral - Um jantar brasileiro - Série Estandartes (2016)
Jaime Lauriano - Justiça e barbàrie (2021)

Denilson Baniwa - Aqueiro digital (2017)
King Kong
O antropòlogo moderno jà nasceu antigò (2019)



L'ouvrage reçoit un accueil très froid au Brésil et ce recueil dérange également dans la France esclavagiste des années 1830. Napoléon Bonaparte a rétabli l'esclavage dans les colonies françaises en 1802, esclavage abolit par la Convention en 1794. La Seconde abolition n'interviendra qu'en 1848. Au Brésil, l'abolition de l'esclavage survient en 1888, après l'adoption de la nouvelle Constitution.  

La politique d'expansion coloniale française, menée par la Monarchie de Juillet, puis le Second Empire, se conclut par la conquête de l'Algérie, la Tunisie, le Maroc, de territoires de l'Afrique de l'Ouest, le Gabon, la Côte-d’Ivoire et la Guinée. La France s'approprie des îles dans le Pacifique, à l'instar de la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, puis l'Indochine - Vietnam, Cambodge et Laos. En quarante ans, la France devient la deuxième puissance coloniale au monde, derrière la Grande-Bretagne. Les idées Jean-Baptiste Debret vont à l'encontre des courants sociétaux. L'artiste retombe dans l'oubli.

En 1940, l'anthropologue Sergio Millet redécouvre le travail de Debret et traduit en portugais "Voyage pittoresque et historique au Brésil". Les ouvrages sont largement diffusés pour évoquer en image la société brésilienne du XIXème siècle. Désormais iconographie référentielle, les lithographies de Debret intègrent notamment les manuels scolaires.


Tiago Gualberto - Dots (2014)

Gê Viana - Série Atualizaçòes traumaticas de Debret (2000)

Löfgren&Gouveâ - Modo de olhar - Série Mâe preta (2016)

Dalton Paula - Assentar : Volta à cidade de um proprietàrio de chàraca - Série Assentar (2019)

Gê Viana - Série Atualizaçòes traumaticas de Debret (2000)


L'exposition qui se tient à la Maison de l'Amérique Latine vient éclairer sous un jour alternatif un héritage complexe marqué par les violences coloniales. Les artistes contemporains inscrivent leur travail dans une recherche des racines, une démarche souvent impossible pour les descendants d'esclaves. Le récit national, cache, efface, occulte la mémoire. Il invisibilise les Amérindiens, les Afrodescendants, dans un processus d'acculturation radical. La confrontation avec le passé soulève la question de l'intégration, de l'interaction entre les descendants des colons et des populations opprimés. En se réappropriant les images de Jean-Baptiste Debret, les artistes contemporains recomposent une mémoire

Les artistes : Lena Bader, Viviana Braga dos Santos, Carlo Célius, Octave Debary, Anne Lafont, Jacques Leenhardt, Isabel Löfgren, Gabriela Longman, Lívia Melzi, Fernanda Mendonça Pitta, Killian Rauline, Tiphaine Samoyault, Jean-Frédéric Schaub, Heberth Sobral

Le Brésil illustré, l’héritage postcolonial de Jean-Baptiste Debret (1768-1848)
Jusqu'au 4 octobre 2025

Maison de l’Amérique Latine
217 boulevard Saint-Germain - Paris 7
Tél : 01 49 54 75 00
Visites commentées sur inscription : culturel@mal217.org 
Lundi et mardi de 15h à 16h - Samedi 26 octobre, 16 novembre et 7 décembre de 15h à 16h
Horaires d'ouverture : Du lundi au vendredi, de 10h à 20h - Samedi de 14h à 18h - Fermeture dimanche et jours fériés - Entrée libre



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.