Paris : Immeubles Walter, citadelle Art déco, complexe immobilier de luxe porte de la Muette - XVIème

 

Les immeubles Walter, complexe immobilier de prestige, déploient leur silhouette de citadelle Art déco, porte de la Muette, dans le XVIème arrondissement à la lisière du Bois de Boulogne. Les trois bâtiments distincts, développés sur le modèle de la cité-jardin, s'élèvent sur un vaste quadrilatère situé entre le boulevard Suchet, l'avenue du Maréchal Maunoury, la rue Ernest Hébert et la place de la Colombie. Ces résidences destinées à une clientèle élitiste, voient le jour en 1931, sur des parcelles libérées par la démolition de l'ancienne enceinte de Thiers, édifiée de 1841 à 1844 et rasée entre 1919 et 1929. 

Commanditaire et auteur, Jean Walter (1883-1957), architecte, richissime industriel, mécène et grand collectionneur d'art, signe, en 1931, un projet d'ampleur dont le gigantisme s'inspire de l'architecture américaine. Seul le règlement d'urbanisme en limite la hauteur. À l'origine, Walter imagine deux modules qui composent un ensemble homogène : celui finalisé au Sud au débouché de l'avenue Henri Martin sur le Bois de Boulogne et un second au Nord de la place de la Colombie, jamais réalisé.

Les lignes géométriques des immeubles Walter caractérisent une épure formelle au service d'un ordonnancement monumental. Les trois étages reliés par des pilastres jumelés s'élèvent depuis un soubassement. Les importantes surfaces vitrées percent verticalement les façades curvilignes que scandent des entablements en saillie. L'étage d'attique encadré de tourelles octogonales, pavillons d'angle, entretient une allure de forteresse moderne. Les appartements les plus prestigieux disposent d'élégantes terrasses-jardins privatives. Les intérieurs se distinguent par leurs volumes exceptionnels marqueurs du standing, à partir de 450m2, des hauteurs sous plafond de 4 à 6 mètres, le raffinement des matériaux nobles, le sens du détail, au sol dalles de travertin, pierre apparente, portes en acajou massif. Les logements du personnel et pièce de service s'ouvrent sur les cours intérieures.

Patrimoine architectural unique, fragment d'histoire, l'inscription aux monuments historiques par arrêté du 23 août 2006 protège façades et toitures, cages d'escalier et d'ascenseur.







Jean Walter (1883-1957), architecte et industriel, fait fortune grâce à l'acquisition en 1925 de mines de zinc et de plomb de Zellidja à Sidi Boubker au Maroc. Réputées improductives, elles révèlent, grâce à de nouvelles investigations, des gisements parmi les plus importants au monde. Dès 1935, la Société des mines de Zellidja à Sidi Boubker lui assure d'importants revenus. En 1939, il créé les bourses Zellidja destinées à des lycéens en complément de leur formation scolaire, puis la fondation Zellidja.

Jean Walter architecte s'illustre à travers des réalisations variées, habitat ouvrier à l'instar de la Petite Alsace dans le XIIIème arrondissement ou les cités ouvrières de Montbéliard, complexes hospitaliers Hôpital Beaujon à Clichy, l'École de médecine rue des Saints-Pères, et immobilier de luxe, les immeubles Walter ou le Club house du Golf de Chantaco à Saint-Jean-de-Luz.








Sous l'Occupation, les immeubles Walter sont réquisitionnés par le IIIème Reich. L'amiral Karl Dönitz (1891-1980), à la tête de la Kriegsmarine à partir de 1943, y implante le Grand Quartier Général de l'amirauté, structure de commandement de la marine de guerre allemande. Selon l'historien Alain Decaux (1925-2016), les bâtiments sont peints, à cette occasion, dans un motif camouflage zébré vert et ocre.

Le prestige de cet ensemble immobilier a attiré des fortunes variées. Les immeubles Walter ont compté parmi leurs résidents célèbres, le couturier Pierre Balmain (1914-1982), l'actrice Catherine Deneuve, Pierre Guerlain héritier de la maison de parfumerie, l'industriel Serge Dassault (1925-2018), ou encore le producteur et présentateur de télévision, Arthur.








De nombreux propriétaires de ces appartements à l'opulence faramineuse ont été frappés par des scandales financiers, détournements, blanchiment, faillites. Jean Walter n'échappe pas à la malédiction. Au cours de sa vie, l'architecte a constitué une fabuleuse collection d'oeuvres d'art. En 1941, il épouse Domenica, nom d'emprunt de l'aventurière Juliette Lacaze (1898-1977), veuve sulfureuse de Paul Guillaume (1891-1934), marchand d'art, collectionneur dont le décès prématuré interroge. Jean Walter meurt dans des circonstances suspicieuses, en 1957, renversé par une voiture. Afin d'échapper à la justice, Domenica fera don de la collection Guillaume-Walter à l'État, collection qui constitue aujourd'hui le fonds du musée de l'Orangerie. Afin d'en savoir plus, l'article à ce sujet se trouve ici.

Immeubles Walter
2-10 boulevard Suchet / 1-3 place de la Colombie - Paris 16
Métro La Muette ligne 9




Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie
Plan local d'urbanisme Protection patrimoniale Paris 16ème
Le guide du promeneur 16è arrondissement - Marie-Laure Crosnier Leconte - Éditions Parigramme
Paris art déco - Immeubles, monuments et maisons de l'entre-deux-guerres (1918-1940) - Gilles Plum - Éditions Parigramme collection Grammaire de la ville