Paris : Théâtre Hébertot, histoire d'une institution culturelle fondée en 1838 - XVIIème

 


Le Théâtre Hébertot, situé au 78bis boulevard des Batignolles dans le XVIIème arrondissement, salle à l'italienne de 630 places, est complété par un second espace de 110 places le Studio Hébertot. Édifié en 1838, sur les plans l'architecte Adolphe Azémar (1807-1874), il témoigne de l'histoire de la commune Batignolles-Monceaux, rattachée au territoire de la ville de Paris en 1860. Au gré des administrations et des aléas commerciaux, le théâtre a connu la gloire tout autant qu'il a été menacé de destruction. Sous la direction de Jacques Hébertot, de 1940 à 1970, il s'impose comme un pôle culturel incontournable de la scène parisienne. Le Théâtre Hébertot fait l'objet d'une protection patrimoniale, une inscription au titre des Monuments historiques par arrêté du 1er août 1974. 







En 1830, la réunion de deux hameaux en périphérie de Paris donne naissance à la commune des Batignolles-Monceaux. Un édit royal de 1817, signé par Louis XVIII, accorde alors le monopole d'exploitation des théâtres au-delà des fortifications, en banlieue parisienne, à Pierre-Jacques Seveste (1773-1825), comédien de vaudeville devenu administrateur de théâtre. Il transmet ce privilège d'exploitation concernant les théâtres situés sur l'actuel territoire de Montparnasse alors Montrouge, Montmartre, Belleville et des Batignolles à ses fils, Edmond Seveste (1798-1852) et Jules Seveste (1803-1854). 

Avec l'appui de la municipalité de Batignolles-Monceaux, Besançon Souchet fait édifier, cité Lemercier, une salle des fêtes modulable, susceptible de se transformer en théatre. Par cette astuce, il détourne la législation en absence d'autorisation du ministère de l'Intérieur. La troupe dirigée par Barthélémy donne notamment des représentations afin de réunir des fonds destinés aux indigents de la commune. Mais en mai 1833, Souchet est contraint par les autorités de l'état de vendre son théâtre. 

Le 3 juillet 1838, à la demande de négociants et de propriétaires locaux associés dans ce projet culturel, le ministère de l'Intérieur valide la création d'un nouveau théâtre boulevard des Batignolles entre les barrières de Monceaux et de Clichy. La construction est confiée à l'architecte Adolphe Azémar. Les frères Seveste prennent la direction du théâtre jusqu'en 1857, malgré en janvier 1842, la mobilisation des habitants des Batignolles qui signent une pétition contre leur mainmise. 

À leur suite, la programmation prend un nouvel intérêt grâce aux comédiens Gaspari et Libert, également à la tête du théâtre de l'Atelier puis Alexandre-Hippolyte Chotel. Une même troupe se relaie dans les deux établissements à Montmartre et aux Batignolles. En 1870-1871, au cours de la guerre franco-allemande puis la Commune, le site devient lieu de réunions politiques. La veuve d'Alexandre-Hippolyte Chotel, héritière du théâtre des Batignolles, fait faillite en août 1886. Les directions successives chaotiques menacent un temps la survie du théâtre. 

En 1906, le nouveau directeur Maurice Landay rebaptise l'institution "Théâtre des Arts". Robert d'Humières lui succède jusqu'en 1909. En ouverture de saison, se joue "La Tragédie de Salomé" avec Loïe Fuller en vedette. De 1917 à 1935, Rodolphe Darzens programme de nombreuses pièces à succès menées par des comédiens d'envergure Sacha Guitry, Edwige Feuillère, Georges Pitoëff, Ludmilla Pitoëff, Charles Dullin. Entre 1925 et 1931, Georges Pitoëff y monte des représentations de Shaw, Pirandello, Tchekhov, Ibsen. 





En 1940, Jacques Hébertot, André Daviel dit (1886-1970), homme de théâtre d'expérience, dramaturge, journaliste, prend la direction du théâtre des Arts, ancien théâtre des Batignolles. Jusqu'à sa disparition, il fait rayonner l'institution culturelle. Il multiplie les projets d'adaptation pour la scène de Camus, Mauriac, Bernanos et monte des oeuvres de dramaturges majeurs à l'instar de Cocteau, Giraudoux, Montherlant. Gérard Philippe fait ses débuts sur les planches du théâtre Hébertot dans la pièce "Sodome et Gomorrhe" de Jean Giraudoux en 1943.  

Le théâtre est repris brièvement, en 1970, par son neveu François Daviel. L'héritière Andrée Delattre de ce dernier signe avec Simone Valère et Jean Desailly en 1972. Mais en 1973, elle leur préfère Patrick Barroux, engageant un bail et une promesse de vente. Le nouveau directeur mène d'importants travaux de mise aux normes. Le théâtre rouvre en 1976 sous le nom de Théâtre des arts Hébertot. 

Jean-Laurent Cochet dirige l'institution à partir d'octobre 1982. Dans le cadre d'une expérience ambitieuse, il programme classiques du répertoire, patrimoine poétique, créations contemporaines. En 1986, Alain de Leuseleuc devient directeur puis Félix Ascot de 1988 à 2003. 

En 2003, Danièle et Pierre Franck prennent la tête du Théâtre Hébertot. Durant dix ans, ils s'attachent à valoriser la création contemporaine avec des pièces de Didier Caron, Daniel Besse, Amanda Sthers, Eugène Ionesco, Samuel Benchetrit, Israël Horowitz, Sébastien Thierry, Jean d’Ormesson ou Florian Zeller. Ils supervisent la création d'une seconde salle de 110 places le Petit Hébertot dont la direction artistique est confiée à Xavier Jaillard en mars 2009. En 2010, le Théâtre Hébertot intègre "Les Théâtres parisiens associés", cinquante théâtre parisiens réunis grâce à l'association pour le soutien du théâtre privé.

À partir de 2013, Francis Lombrail, le nouveau directeur, poursuit cette idée d'une programmation ancrée dans son temps, avec des pièces emblématiques telles que "Le Père" de Florian Zeller, "Le Roi se meurt" d’Eugène Ionesco et "Des Fleurs pour Algernon" de Daniel Keyes. Sous la houlette de Sylvia Roux, le Petit Hébertot devient en juin 2015 le Studio Hébertot. 

En juillet 2016, Francis Lombrail s'associe à Pascal Legros. Ensemble, ils programment "Les jumeaux vénitiens" de Carlo Goldoni, "Douze hommes en colère" de Reginald Rose, "Misery" le roman de Stephen King adapté par William Goldman et Viktor Lazlo. 

Théâtre Hébertot 
78 bis boulevard des Batignolles - Paris 17
Tél réservations : 01 43 87 23 23



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie
Plan local d'urbanisme Paris 17
Le guide du promeneur 17è arrondissement - Rodolphe Trouilleux - Éditions Parigramme
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette