Paris : Hôtel particulier 35 rue Fortuny, souvenir de Sarah Bernhardt, mémoire de la Belle Époque dans le quartier de la Plaine Monceau - XVIIème

 

Au numéro 35 de la rue Fortuny, dans le XVIIème arrondissement, un hôtel particulier de deux étages en briques et pierre, de style néo-Louis XIII néo-Renaissance porte dans sa structure les derniers vestiges de l'ancien hôtel particulier de Sarah Bernhardt (1844-1923). L'édifice de 400m2, gargouilles en saillie, rats vagabonds en façade, heurtoir de la porte ouvragé, n'a plus grand-chose à voir avec la demeure de la tragédienne démolie en plusieurs étapes de la fin du XIXème siècle aux années 1960. Il conserve néanmoins un charme indéniable, mémoire de la Plaine Monceau à la Belle Époque.


Hôtel particulier de Sarah Bernhardt - Alphonse Louis Pierre Trimolet (1881)
Conservé au Musée Carnavalet, Histoire de Paris








À la suite de l'incendie de son appartement du 16 rue Auber, Sarah Bernhardt envisage la construction d'un hôtel particulier auquel s'ajouterait un atelier plus adapté à sa pratique que l'exigu espace de la rue de Rome. En 1875, elle fait l'acquisition d'une parcelle à l'angle de l'avenue de Villiers et de la future rue Fortuny. Dans le nouveau quartier de la Plaine Monceau, prisé des artistes et des nouvelles fortunes industrielles, la spéculation immobilière en marche dès 1848 a pris de l'ampleur depuis le rattachement de la commune Batignolles-Monceau au territoire de la ville de Paris en 1860. La rue Fortuny, ouverte en 1876, se peuple d'artistes à succès, écrivains, peintres, comédiens qui rivalisent de faste pour la conception de leurs hôtels particuliers.

Sarah Bernhardt réside rue Fortuny de 1876 à 1887. À l'emplacement de l'actuel numéro 37 rue Fortuny, se trouve l'hôtel particulier en lui-même, édifié sur les plans de l'architecte Nicolas-Félix Escalier (1843-1920). Sur le terrain du numéro 35, acheté en 1876, se déploie une cour, un jardin et un atelier d'artiste. Initiée à la sculpture par son ami, Mathieu Meusnier (1824-1896), Sarah Bernhardt réalise des oeuvres aux motifs marins et des bustes, en terre, plâtre, par la suite fondus en bronze. 

Dans ses mémoires, "Ma double vie. Mémoires" publiées aux éditions Fasquelle en 1907, Sarah Bernhardt note : " J'occupais alors tous mon temps à surveiller la construction d'un joli hôtel que je me faisais bâtir au coin de l'avenue de Villiers et de la rue Fortuny. […] Le gendre de Monsieur Régnier, Félix Escalier, architecte très à la mode, me construisit un ravissant hôtel. Rien ne m'amusait plus que d'aller dès le matin avec lui sur les chantiers. […] Je dépensais mes forces à aider mes amis peintres qui faisaient des plafonds dans ma chambre, dans ma salle à manger, dans mon hall : Georges Clairin, l'architecte Escalier qui était en même temps peintre de talent, Duez, Picard, Butin, Jadin et Perrot. " 








En 1885, la Divine endettée se sépare de son hôtel particulier. Stéphane Dervillé (1848-1925), industriel et banquier, acquiert l'ensemble en 1885-86 par adjudication. Les éléments conservés sur la parcelle du numéro 35 rue Fortuny, notamment l'ancien atelier, sont entièrement remaniés et intégrés au nouveau bâtiment. Il fait appel à l'architecte Louis Victor Legrand (1852-1933). Le sculpteur et céramiste Joseph Chéret (1838-1894) conçoit le programme décoratif de la façade ainsi que les intérieurs. En 1891, cour et jardin ont disparu pour faire place à un nouvel hôtel particulier hybride, l'édifice de style néogothique et néorenaissance toujours présent de nos jours. Stéphane Dervillé y réside de 1887 à 1925. 

La partie préservée au numéro 37 rue Fortuny - ce qui demeurent des anciens appartements de Sarah Bernhardt, salle à manger, salle de billard, bibliothèque, chambre - conserve longtemps ses attributs, mémoire de la tragédienne. Mais l'édifice est démoli à la fin des années 1960 pour faire place à un immeuble moderniste sans charme. Les décors intérieurs d'origine, déposés, font l'objet d'une vente aux enchères le 28 février 1970, corpus parisien auquel se rajoutent des artefacts provenant de la maison de Belle-Île de la tragédienne. Parmi les pièces remarquables dispersées à Drouot par la maison Piasa, sous la direction de maître Étienne Libert, deux vitraux de Joseph Alfred Ronsin représentant Sarah Bernhardt dans des rôles importants, notamment celui de la Reine dans la pièce de Victor Hugo "Ruy Blas", des tableaux, des sculptures, des mosaïques, des cheminées néo-Renaissance et divers objets de curiosités à l'instar de bronzes animaliers d'Emmanuel Frémiet (1824-1910). 

En 2010, l'hôtel vendu pour 3 millions d'euros, accueille le cabinet d'avocat de l'ancien premier ministre, Dominique de Villepin. Aujourd'hui le 35 rue Fortuny est le siège social de plusieurs sociétés de conseil. 

Hôtel particulier
35 rue Fortuny - Paris 17
Métro Malesherbes ligne 3



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie
Plan local d'urbanisme Paris 17
Le guide du promeneur 17è arrondissement - Rodolphe Trouilleux - Éditions Parigramme
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette