Théâtre : L’extraordinaire destinée de Sarah Bernhardt, écrit et mise en scène par Géraldine Martineau - Avec Estelle Meyer - Théâtre du Palais Royal - Jusqu'au 31 décembre 2024

Crédit Fabienne Rappeneau 

Née en 1844, à Paris, Rosine Bernhardt, future Sarah Bernhardt, est confiée à une nourrice en Bretagne avant de rejoindre le couvent du Grandchamp à Versailles. Sa mère, courtisane surnommée Youle, tient un salon à Paris où se pressent les messieurs de la bonne société. À quatorze ans, Sarah qui n'a de goût ni pour le mariage ni pour la carrière de sa génitrice, intègre le Conservatoire sur la recommandation du duc de Morny. Elle entre à la Comédie française en 1862 dont elle est renvoyée avec fracas en 1866 pour avoir giflé une sociétaire. Signant un contrat à l'Odéon, elle connait son premier succès en 1869 avec un rôle dans "Le Passant" de François Coppée. En 1872, elle rencontre Victor Hugo qui la surnomme "la Voix d'or" et triomphe dans "Ruy Blas". Rappelée par la Comédie française, elle y joue "Phèdre" et "Hernani". Consécration, elle est nommée sociétaire en 1875. Indépendante, frondeuse, Sarah Bernhardt endosse les rôles d'hommes pour "Hamlet" et "Pelléas" et inspire "L'Aiglon" à Edmond Rostand en 1900. Jean Cocteau invente l'expression "monstre sacré" en se référant à elle. Elle est la Divine ou encore l'Impératrice du théâtre, la première star internationale, dont la tournée à travers le monde l'a conduite à Londres, Copenhague, aux États-Unis, au Canada, au Pérou, au Chili, en Russie, en Australie. 




Pièce biographique écrite et mise en scène par Géraldine Martineau, pensionnaire de la Comédie française, "L’extraordinaire destinée de Sarah Bernhardt" trace le portrait d'une femme complexe, incandescente. En une succession de saynètes édifiantes, elle capture l'essence d'une ascension et la dimension tragique de cette existence. Les tableaux, autant d'épisodes fondateurs, se succèdent à un rythme trépidant, ponctués d'interludes musicaux. La construction en ellipse alterne scènes drôles et moments graves pour mieux appréhender la figure publique et la femme intime, la démesure de cette comédienne incontournable de la fin du XIXème et du début du XXème siècles. 

Aussi contestée qu'adulée par ses contemporains, Sarah Bernhardt, à laquelle Ester Meyer prête ici ses traits et sa belle voix timbrée, est devenue maître en réinvention de soi, véritable argument de vente. Sur scène, huit comédiens pour trente-cinq rôles et deux musiciens donnent chair à cette existence romanesque dans une superbe énergie de troupe qui ne manque pas de séduire. Florence Hennequin au violoncelle, Bastien Dollinger, piano et clarinette, accompagnent Ester Meyer dans des interludes chantés savoureux. Présence scénique, belle incarnation d'une frondeuse scandaleuse. 

Les frasques mémorables construisent un mythe mais derrière la légende, la pièce révèle une femme de tête hors norme dont la devise était "Quand même", l'une des plus grandes tragédiennes de son temps, l'une des rares femmes directrices et propriétaires de théâtre. Son théâtre des Nations est aujourd'hui le théâtre de la Ville - Sarah Bernhardt. D'une modernité folle, elle choisit pour faire sa publicité de promouvoir sa propre image revisitée, marketée. En avance sur temps, elle façonne elle-même l'icône, créé un alter ego flamboyant dont elle rend publiques les extravagances, dépenses somptuaires, animaux de compagnie singuliers, Ali Gaga le crocodile trépassé d'un coma éthylique au champagne. Elle n'hésite à provoquer le scandale comme lorsqu’elle se fait photographier dormant dans un cercueil capitonné pour ensuite vendre les images.

En femme émancipée, Sarah Bernhardt s'affranchit volontiers des conventions et carcans d'une société patriarcale et antisémite. Engagée politiquement, elle se positionne dreyfusarde aux côtés d'Émile Zola. Mère célibataire, elle élève seule son enfant pour lequel elle se ruine, Maurice Bernhardt, fils naturel du prince belge Henri-Maximilien-Joseph de Ligne (1824-1871). Son mariage avec le comédien grec Jacques Damala, morphinomane, ne dure guère.  

Elle traverse deux guerres. En 1870, elle soigne les blessés au théâtre de l'Odéon transformé en hôpital militaire. Durant la Première Guerre Mondiale, elle rend visite aux soldats dans les tranchées. Amputée de la jambe droite à la suite d'une tuberculose osseuse, en 1915 à l'âge de soixante-dix ans, elle décède en 1923. Le cortège de ses funérailles à Paris est suivi par près de 400 000 admirateurs endeuillés.

L’extraordinaire destinée de Sarah Bernhardt 
Jusqu'au 31 décembre 2024
Du mardi au vendredi 20h30. Le samedi 15h et 21h ou 18h. Le dimanche 15h30 ou 18h30

Texte et mise en scène Géraldine Martineau
Avec Estelle Meyer, Marie-Christine Letort, Isabelle Gardien, Blanche Leleu, Priscilla Bescond, Adrien Melin, Sylvain Dieuaide, Antoine Cholet, Florence Hennequin, Bastien Dollinger
Scénographie de Salma Bordes
Lumière et vidéo Bertrand Couderc
Costumes Cindy Lombardi
Composition musicale Simon Dalmais
Chanson Estelle Meyer
Chorégraphie Caroline Marcade
Perruques et maquillages Judith Scotto
Son Antoine Reibre
Collaboration artistique Sylvain Dieuaide
Assistante Elisabeth Calléo
Photographie Fabienne Rappeneau 
Texte édité à L’avant-scène théâtre

Théâtre du Palais Royal 
38 rue de Montpensier - Paris 1
Tél : 01 42 97 59 76




Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.