Hasumi Seiji, prof principal de la 1ère 4, est la coqueluche du lycée Shinkô Gakuin de Machida, dans la banlieue de Tokyo, établissement, privé destiné aux étudiants qui n'ont pas réussi à intégrer les lycées publics élitistes. Adulé par ses élèves auprès desquels il fait l'unanimité, apprécié par ses collègues, respecté par la direction pour qualité de conciliateur, il enseigne l'anglais avec inventivité, attentif, passionné. Hasumi est le type de prof qui marque une scolarité. Charismatique, il règle avec une aisance étonnante les soucis de la vie scolaire, harcèlement, triche organisée, voyages scolaires. Il résout le problème de la triche organisée par les meilleurs éléments. Il pousse à bout le petit caïd du lycée afin qu'il soit définitivement expulsé. Ce stratège parvient rentrer dans le rang les fauteurs de trouble, élève comme membres du corps enseignant que ce soit le prof de sport adepte des punitions corporelles, le pervers qui harcèle les adolescentes. Il n'hésite pas à faire chanter, pour son profit, un collègue homosexuel, rejeton d'une famille richissime, qui entretient une relation avec un lycéen. Les méthodes pédagogiques d'Hasumi se moquent des conventions et de la légalité. Il sème la discorde, provoque des incidents et, plus radical encore, fait disparaître les perturbateurs, animaux ou parents d'élèves. Jusqu'au dénouement le plus radical.
Roman noir publié en 2010 au Japon, phénomène adapté en manga et en film en 2012, puis traduit en 2022 en France, "La leçon du mal" peint une critique au vitriol de la société japonaise. Yûsuke Kishi, maître du thriller horrifique, dénonce une organisation rigide, carcan indépassable, le poids des traditions, l'inflexible hiérarchie, l'ostracisation de ceux qui refusent de se plier aux normes.
Avec un sens rare de la mise en scène, il propose un commentaire ravageur, satire acide, plongée aussi terrifiante que grotesque dans les méandres d'un système éducatif propice aux abus. Derrière les apparences de prof idéal, Hasumi dissimule le sombre secret d'une personnalité effrayante. John Keating, du "Cercle des poètes disparus", croise Patrick Bateman d'"American Psycho". Sous le regard de cet individu peu recommandable, le lycée devient un échiquier à échelle humaine où il déplace ses pions, manipulant élèves et collègues afin de parvenir à ses fins. Hasumi supprime sans hésiter récalcitrants. Il dissimule avec soin un passé trouble dans une banque d'affaire et des incidents inquiétants dans un précédent établissement.
La belle désinvolture de ce personnage charismatique vole rapidement en éclat pour révéler au grand jour de sévères troubles de la personnalité, un complexe de Dieu. Kishi joue des ressorts littéraires, bouscule les apparences et les archétypes pour construire un malaise croissant. Il expose progressivement le vrai visage de son anti-héros amoral, sociopathe glaçant aux obsessions malsaines.
Yûsuke Kishi entraîne le lecteur dans une spirale de cruauté, montée en puissance insidieuse de l'angoisse. Page turner captivant, haletant, savoureux.
Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.
Enregistrer un commentaire