Théâtre : La serva amorosa, de Carlo Goldoni - MES Catherine Heigel - Avec Isabelle Carré, Hélène Babu, Jackie Berroyer - Théâtre de la Porte Saint Martin - Jusqu'au 4 janvier 2025

Crédit Jean-Louis Fernandez 

Sous l'influence de sa nouvelle épouse, Béatrice aussi séduisante qu'irascible, le vieil Ottavio, prospère marchand de Vérone, chasse son fils, Florindo de la maison familiale. Dans son malheur, l'infortuné est suivi par Coraline, la servante dévouée avec laquelle il a grandi. Femme de tempérament, intelligence vive, elle intervient avec énergie, déterminée à le rétablir dans son bon droit et à déjouer les manigances de Béatrice. Ottavio s'oppose au retour de son fils malgré l'intervention de Pantalone, partenaire d'affaires d'Ottovio, dont la fille Rosaura est éprise de Florindo. Coraline redouble de ruses pour démasquer les intentions de l'avide belle-mère, désireuse de détourner l'héritage au profit de Lelio, son propre enfant né d'une précédente union.




Trente ans après avoir incarné Coraline sur les planches de la Comédie Française, Catherine Heigel met en scène la pièce de Carlo Goldoni (1707-1793) au Théâtre de la Porte Saint Martin. Elle se place dans un rôle de passeuse et confie le rôle-titre à Isabelle Carré, impeccable de charisme associé à la douceur.  

Dans cette pièce montée pour la première fois en 1752, le "Molière italien" renverse les codes classiques. À rebours des conventions, il choisit une servante pour tenir le devant de la scène et bouscule la règle des trois unités, de temps, de lieu, d'action. Le propos d'une grande modernité surprend par son engagement féministe avant l'heure et initie une réflexion sur la place de la femme dans la société. La mise en scène de Catherine Heigel exacerbe le message politique en insistant sur le trio de personnages féminins d'envergure, véritables maîtresses de l'intrigue. 

Changements de décors à vue, système de panneaux mobiles, Catherine Rankl imagine une scénographie à l'esthétique surannée, dont le charme indéniable agit précisément. Les beaux costumes de Renato Bianchi, ancien costumier de la Comédie Française, complètent l'illusion d'un XVIIIème siècle idéal.  

Isabelle Carré prête ses traits à la spirituelle Coraline, le rôle-titre, servante pas amoureuse de son maître, simplement aimante. Elle agit par pur désintéressement, refuse même la proposition de mariage de Florindo reconnaissant. En quête de justice, elle cherche à faire triompher la vérité, à réconcilier père et fils. Coraline, fascinante par son discernement, son franc-parler, ne laisse personne insensible. 

L'intrigante Béatrice, interprétée par Hélène Babu, manifeste une volonté de fer, déterminée à faire son chemin dans le monde et pour cela à s'accaparer la fortune de son vieux mari. Troisième figure féminine, Ombeline Guillem dans le rôle de Rosaura, la fausse ingénue se montre bien décidée à épouser l'homme qu'elle aime. 

La mise en scène souligne la passivité et la soumission des figures masculines. Jackie Berroyer campe un savoureux, Ottavio, vieux barbon égoïste manipulé par sa jeune épouse. Antoine Hamel incarne un Florindo mélancolique, abusé par une marâtre vindicative et déshérité par son vieux père. Lélio le benêt béat, interprété par Tom Pezier. Goldoni complète sa distribution avec des personnages empruntés à la commedia dell'arte.  Jeremy Lewine joue Arlequin, le valet simplet et paresseux, Jérôme Pouly en Pantalone le bourgeois vénitien, Stanislas Stanic en Brighella, le valet malicieux de la comédie italienne. 

Mécanique de précision, répliques ciselées, les savoureux apartés qui ponctuent les scènes éclairent la réalité des personnages. La fougue et la fantaisie de l'interprétation soutient le rythme effréné de la farce. Une belle soirée de théâtre.

La serva amorosa, de Carlo Goldoni
Jusqu'au 4 janvier 2015
Mercredi, jeudi, vendredi 20h, samedi 16h et 20h30, dimanche 16h

Traduction et adaptation Ginette Herry
Mise en scène Catherine Hiegel
Avec Isabelle Carré, Hélène Babu, Jackie Berroyer, Olivier Cruveiller, Antoine Hamel, Jeremy Lewin, Tom Pezier, Jérôme Pouly, Stanislas Stanic, et les apprentis du Studio – ESCA Ombeline Guillem et Victor Letzkus-Corneille
Décors Catherine Rankl
Lumières Dominique Borrini, assisté d’Anne Bigou
Costumes Renato Bianchi, assisté de Sandra Besnard
Musique originale Pascal Sangla
Perruques et maquillage Catherine Saint-Sever
Accessoiriste François Gauthier-Lafaye
Assistant à la mise en scène Sylvain Dufour

Théâtre de la Porte Saint-Martin
18 Boulevard Saint-Martin 75010 Paris 
Tél : 01 42 08 00 32



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.