Lundi Librairie : La passion - Jeanette Winterson

 


En 1805, Henri, jeune fantassin dans l'armée de Napoléon Ier, nourrit une admiration sans borne pour l'empereur. Il est bientôt promu gardien des réserves personnelles du souverain, évinçant à ce poste un cuistot d'expérience. Sur les routes de Russie, la désillusion frappe durement. De la gloire à la chute, Henri assiste à la déchéance de son empereur. La terrible réalité de la guerre vient lui voler ses dernières illusions. Villanelle, fille d'un gondolier vénitien, se travestit en homme afin de se faire embaucher comme croupier dans un casino. Elle s'éprend d'une belle aristocrate, "la Dame de Pique" qui lui vole son coeur. Littéralement. Placée en difficulté, Villanelle est contrainte d'épouser un homme violent qui la vend comme femme de réconfort aux armées napoléoniennes. En Russie, Henri, désormais déserteur, et Villanelle, également en fuite, se rencontrent. Afin de pouvoir s'aimer, ils partent à la recherche du coeur de la jeune fille.

Un souffle épique traverse ce roman publié en Angleterre en 1987, traduit en France en 2013. Travestissement et métamorphoses, péripéties et trahisons, dans "La passion", Jeanette Winterson manifeste un rare talent de conteuse. Le texte, placé sous les auspices du réalisme magique, prend des libertés avec le cadre historique pour mieux nous raconter le destin de deux personnages singuliers, attachants. Aux folies guerrières napoléoniennes, l'horreur de la campagne de Russie, l'omniprésence de la mort s'opposent les nuits interlopes de Venise, les romances interdites, la frénésie du jeu. Les sentiments basculent, les rapprochements s'opèrent.

De l'intrusion du fantastique dans la réalité, pas de côté frondeur vis à vis de la reconstitution, surgit la poésie. L'imaginaire à l'oeuvre prend possession du récit naturaliste qu'il détourne en fable morale. Ancrée dans le mystère, elle associe folklore et traditions populaires. Les coeurs se volent et disparaissent. Les leprechauns irlandais jouent de mauvais tour aux voyageurs. Les gondoliers vénitiens marchent sur l'eau. Délicieux !

La passion Jeanette Winterson - Traduction Isabelle Delord-Philippe - Éditions de l'Olivier - Poche Points 



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.