Grâce au télétravail, Aurore a quitté Paris et la société des hommes pour vivre, seule avec son fils, recluse dans une maison de famille au fin fond du Quercy. Mère célibataire désabusée, désenchantée, elle s'est réfugiée dans un isolement tout empreint d'une abstinence radicale. En parallèle, Alexis Zagner, l'un des comédiens les plus doués de sa génération, abandonne soudain les répétitions de "Dom Juan", pièce de Molière montée à cette occasion sur son seul nom. Dans une annonce fracassante dans la presse, il renonce au rôle principal pour le proposer à sa partenaire qui devait jouer Elvire. Mais le nouveau champion du féminisme et d'une masculinité déconstruite fait bientôt l'objet de suspicion, puis d'accusation. Le choeur des amantes répudiées prend la parole. Alexis fuit, quitte Paris où il pressent que le scandale d'une énième liaison malheureuse, avec Chloé, aspirante comédienne recalée lors du concours du Conservatoire, concours pour lequel Alexis siégeait comme juré, sera le prétexte d'une chasse aux sorcières. En cavale pour échapper au cirque médiatique, les accusations de violences psychologiques, d'emprise, il débarque en pleine nuit à la porte d'Aurore. Rencontre improbable, affrontement et nouvel ordre amoureux.
Satire de l'époque d'une cruelle lucidité, le septième roman de Maria Pourchet emprunte les codes du western pour mieux décrire le film d'une rencontre moderne. Les enjeux contemporains des relations humaines, la guerre des sexes, la fin possible du patriarcat, les passe-droits accordés ou pas aux artistes, l'auteure porte un regard d'une grande acuité sur la réalité de la société et des relations amoureuses au lendemain du mouvement Me too. Sans jamais se départir d'un humour savoureux, empathique ironie, elle décrypte les nouvelles formes de séduction devenues duels d'ego et multiplie les références cinématographiques comme littéraires, notamment "Fragments du discours amoureux" de Roland Barthes. Épure tranchante, efficacité inventive, rythmique de précision, rebondissements, le style se met au service d'une narration maîtrisée, voix très personnelle.
Les interventions savoureuses de la romancière / narratrice au sein même du récit n'épargnent aucun partie, aucun camp, souligne les abus d'un côté comme de l'autre, les absurdités. Maria Pourchet éclaire la farce grotesque des relations amoureuses contemporaines. Compulsif et désinvolte, Alexis Zagner ne connait que le goût de la conquête. Ce séducteur vampirique abandonne ses proies lorsqu'éprises, elles rendent les armes. À la suite d'une tragédie, le piteux Don Juan est sommé de faire face à enchaînement des dénonciations formulées par des amoureuses déçues, les amantes dédaignées. À commencer par Élisabeth, la vieille maîtresse éconduite, fonctionnaire du ministère de la Culture, suivie de peu par Olivia, l'épouse légitime, danseuse étoile, plus blasée que conciliante jusqu'au moment de bascule.
Cette histoire de désir, de violence, de renoncement, d'émancipation joue des archétypes, Aurore, la femme libérée abstinente, Alexis, tour à tour ogre priapique qui ne jouit que dans la possession totale et immature don juan en pleine déconfiture, Olivia, l'épouse légitime bafouée dont la patience est à bout, Élisabeth, la maîtresse dédaignée, Chloé la jeune oie blanche, victime sacrificielle. Les stéréotypes gagnent en complexité, au fil d'introspections qui donnent accès à la psyché des personnages et permettent d'en saisir toutes leurs ambivalences. Ils sont confrontés à la nécessité de prendre des risques, aux détours comme aux impasses du désir. La romancière mène une autopsie du dévoiement et son opposé la tentation du repli, l'envie de se retirer du jeu pour échapper aux violences psychologiques.
Pas de côté salutaire, Maria Pourchet capture l'essence contemporaine du nouvel ordre amoureux. Me too dénonçait les agressions sexuelles et les comportements de prédation, désormais la séduction doit trouver de nouvelle voie, un discours alternatif pour faire résonner les mots de l'amour.
Western - Maria Pourchet - Éditions Stock
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