Ailleurs : Fonds Alberto Magnelli, la collection témoignage des évolutions plastiques d'un maître de l'art abstrait - Musée Magnelli de Vallauris

La Japonaise (1914)


Le fonds Alberto Magnelli (1888-1971) du Musée Magnelli de Vallauris se compose d'un ensemble d'oeuvres, conservées par l'artiste tout au long de sa vie afin de documenter l'évolution de sa pratique. Il témoigne des allers-retours entre figuration et abstraction jusqu'à la radicalité des dernières années. Peintre contemporain de Picasso, son travail se distingue par un syncrétisme puissant de formes agencées en compositions rigoureuses. L'harmonie chromatique et la lisibilité du trait nourrissent une géométrie vibrante soulignée de couleurs pures, saturées. À la fin de sa vie, Alberto Magnelli manifeste son désir de léguer sa collection à une institution dans la région de Grasse où il a vécu avec son épouse Susi Magnelli-Gerson durant la Seconde Guerre Mondiale. Le couple y a conservé un pied-à-terre jusqu'au début des années 1970. 

Pablo Picasso réside à Vallauris de 1948 à 1955. Sa présence initie un nouvel âge d'or pour la céramique vallaurienne, impulse un mouvement propice à l’émulation artistique. A la suite du maître espagnol, Marc Chagall, Victor Brauner, Edouard Pignon rejoignent la cité potière pour explorer les possibilités de la céramique. Cette effervescence créative participe du rayonnement de la ville et de sa tradition potière à l’international. La municipalité envisage de créer une institution en hommage à l'art potier, ses artisans et ses artistes, la création d'un musée municipal, au sein du château. Depuis 1959, la chapelle romane attenante où se trouvent les panneaux qui composent les oeuvres "La Guerre et la Paix" accueille le musée national Picasso de Vallauris.

Au décès d'Alberti Magnelli en 1971, sa veuve qui a pris connaissance du projet de musée municipal fait don de sa collection personnelle à la ville de Vallauris. Le 8 juillet 1977, le Musée de la céramique et d'art moderne est inauguré. Il devient Musée Magnelli musée d la céramique en 1996. Le deuxième étage est dévolu au fonds Alberto Magnelli enrichi au gré des acquisitions et des donations. Le parcours chronologique témoigne d'une carrière prolifique, d'une démarche pionnière vers l'abstraction. 

Neve (1910)


Nature morte à la boîte rouge (1914)

Explosion lyrique / Peinture 0521 (1915)


Virginia (1914)

Né dans une famille de commerçants florentins en 1888, Albert Magnelli peint, autodidacte, son premier tableau en 1907. En absence de formation académique, il accompagne un ami montagne, pour peindre sur le motif. "Neve" (1910), la première oeuvre importante de sa carrière est présenté au sein des collections du Musée Magnelli. À cette période, le peintre fréquente les Futuristes italiens sans pourtant en subir l'influence esthétique.

Lors de son premier séjour à Paris en 1914, Alberto Magnelli fait la connaissance de Guillaume Apollinaire qui l'introduit auprès de son cercle d'amis, Max Jacob, Pablo Picasso, Alexandre Archipenko, Juan Gris, Fernand Léger, Henri Matisse. Au cours de la Première Guerre Mondiale, isolé, loin de ses pairs, les expérimentations plastiques de Magnelli tendent vers l'abstraction, avec la série "Peintures inventées", œuvres caractérisées par des plans de couleurs uniformes, une géométrie presque cubiste, à l'instar de "Peinture n°0515" (1915). En 1916, la réapparition d'éléments figuratifs se manifeste. Durant cette période prolifique, il peint de nombreux paysages. La série des "Explosions lyriques", abordée en 1918, marque un retour à une forme d'abstraction figurative, empreinte d'une nouvelle liberté expressive. Les surfaces de couleurs fragmentées remplacent les à-plats chromatiques. 

Entre 1920 et 1931, Alberto Magnelli fréquente les collaborateurs de la revue Valori Plastici, artistes italiens comme Carlo Carra. Il s'inspire des recherches de la "Pittura metafisica" de Giorgio de Chirico. Au cours de cette période de "Réalisme poétique", il embrasse pleinement les motifs de la figuration. Magnelli peint sur le motif des scènes du quotidien, les paysans italiens, les paysages toscans, l'architecture. 



Pierres (1932)

Formes rebondissantes (1937)

Complice (1937)

Ardoise (circa 1940)


Entre 1929 et 1931, Alberto Magnelli éprouve un certain découragement et réduit sa production picturale pour tenter des expériences en volumes. En 1932, lors de la visite des carrières de marbre de Carrare, il est frappé par l'esthétique minérale. Durant deux ans, il se consacre à la série abstraite "Les Pierres". En 1934, Alberto Magnelli s'installe à Paris. La galerie Pierre Loeb lui consacre une première exposition personnelle. En parallèle de la peinture, il explore des techniques inédites et s'intéresse à la gravure, aux eaux-fortes, aux bois gravés, aux sérigraphies, lithographies et linogravures. 

En 1936, il entame une série importante, ses premiers collages. Il se lie avec les artistes de l'avant-garde internationale, fréquente Jean Arp et Vassili Kandisky. Il s'engage sur la voie d'une abstraction plus radicale qui se traduit, en 1937, par les premiers travaux purement abstraits de la série des "Formes rebondissantes" et des "Complices". Si les formes sont abstraites, les titres évoquent néanmoins des éléments réels. Magnelli oscille autour d'une abstraction figurative. Simplification des lignes, composition rigoureuse, palette chromatique harmonieuse, il transpose les formes prélevées dans la réalité. 

Durant la Seconde Guerre Mondiale, la pénurie de matériaux le contraint à trouver d'autres modes d'expression. Il poursuit ses expérimentations autour des collages, lesquels prolongent ses recherches picturales. Alberto Magnelli et Susi Gerson se réfugient dans la région de Grasse dès 1939 à La Ferrage, propriété d'un cousin de Susi, où ils demeurent jusqu'en 1943. 

Susi, de nationalité allemande est internée un temps au camp de Gurs. À la suite de cet événement, en août 1940, Alberto entreprend des démarches afin de l'épouser civilement. Le mariage est célébré en octobre de cette année. Ils sont rejoints dans la région par Jean Arp, Sophie Taeuber, Sonia Delaunay, et forment une communauté artistique. Ils imaginent un album de lithographies "10 Origin" édité en Suisse, en 1943, par l’entremise de Max Bill, album à l'occasion duquel Magnelli sollicite Kandinsky, Domela, Le Corbusier.


Promenade - Tapisserie - (1952)



Panneau mural (1954)

Volontaire n°3 (1962)


Le couple Magnelli retourne clandestinement à Paris, en 1944. Alberto participe à l'exposition de groupe "Art concret", organisée par Nelly van Doesburg à la galerie René Drouin en 1945. Au cours de l'année 1947, une exposition solo à la galerie Drouin assoie son statut de peintre abstrait majeur. 

En mai 1950, le Musée national d’art moderne à Paris fait l'acquisition de "Ronde océanique" (1937), première œuvre de Magnelli à entrer dans les collections publiques françaises. Dans les années 1950, son travail fait l'objet de nombreuses rétrospectives. En 1950, il est exposé à la Biennale de Venise, en 1963 à la Kunsthaus de Zurich et au Palazzo Strozzi de Florence, en 1968 au Musée national d'art moderne de Paris. L'austérité des lignes, à l'instar de "Rien d'autre", convoque la rigueur des maîtres de la Renaissance prisés de Magnelli. Au Musée Magnelli, les dernières compositions de 1969, dépôts du Centre Pompidou, illustrent l'aboutissement des expériences chromatiques, notamment le diptyque "Ouverture n°1" et "Ouverture n°2". 

Musée Magnelli – Musée de la Céramique
Place de la Libération – 06220 Vallauris
Tél : 04 93 64 71 83
Horaires : Été Du mercredi au lundi 10h-12h30 et 14h-18h – Fermé le mardi




Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.