Paris : Maison H. Boulenger faïencerie, étonnant édifice à la façade de céramique, vitrine des savoir-faire d'une grande faïencerie française - Xème

 


L'immeuble de la Maison Hippolyte Boulenger au 18 rue de Paradis, a été de la fin du XIXème siècle jusqu'au milieu du XXème, le siège social et dépôt de cette faïencerie de Choisy-le-Roi. Bureaux, magasin, entrepôt, le bâtiment édifié par les architectes Georges Jacottin et Ernest Brunnarius (1857-1901) se distingue sur rue par sa façade au programme décoratif foisonnant, véritable vitrine des savoir-faire de l'entreprise. Colonnes, fronton coupé, potiche façon pastiche Grand Siècle distinguent le portail monumental. Une aile latérale dessert les deux corps de bâtiment l'un sur rue, l'autre sur cour. Le porche voûté, vestibule abondamment orné de céramiques, conduit à une courette carrée coiffée d'une verrière. Le bel escalier courbe mène à l'étage où se déploie une salle sous verrière aux poutrelles métalliques, et un étage lambrissé ouvert sur la nef. 

Panneaux de mosaïque ou de carreaux de faïence valorisent les productions variées du catalogue Boulenger. Les tableaux de céramique datés de 1907 et 1912, dates témoignent de l'évolution progressive des décors au fil du temps et des modes. Ils sont l'oeuvres du céramiste André J. Arnoux, responsable de l'atelier décoration de l'entreprise H. Boulenger & Cie, d'après des dessins des peintres peintres Jean Cuzin, Wihlem. Dans la cour intérieure, se trouvent deux grandes compositions signées P. Guidetti. Un combat de coq dans le hall d'entrée et une réunion de flamants roses à la loggia du premier étage mettent en scène un bestiaire très coloré. 

L'édifice fait l'objet d'un classement partiel à l'inventaire des Monuments historiques par arrêté du 6 octobre 1981. La protection concerne la façade sur rue, le vestibule avec décor de céramique qui mène à la cour, la salle de réception de la clientèle notamment le carrelage au sol et les revêtements muraux, l'escalier à balustres, au premier étage la grande salle d'exposition sous verrière er son décor. 






Les frères Paillart fondent la faïencerie de Choisy-le-Roi en 1804. Hippolyte Hautin et Louis Boulenger reprennent l'entreprise en 1836. Le fils Boulenger, Hippolyte (1836-1892) leur succède en 1863 à une époque où la céramique connait un retour en grâce de la céramique, grâce aux nouvelles techniques dont les applications intéressent les architectes et bientôt les chantres de l'Art Nouveau comme Hector Guimard  et Jules Lavirotte. Sous la direction d'Hippolyte Boulenger, son sens du commerce et de la réclame, l'entreprise connait un essor inédit et conquiert de nouveaux marchés grâce à la diversification de la production. Les faïenceries H. Boulenger & Cie sont récompensées lors des Expositions Universelles. 

À la fin du XIXème siècle, les productions des verreries et faïenceries lorraines débarquent à Paris par la Gare de l'Est. Rue de Paradis à proximité, les grandes maisons de cristallerie et porcelaine établissent leurs bureaux doublés de show-rooms et d'ateliers. La faïencerie Boulenger désormais firme d'envergure, se doit d'avoir un siège parisien. Hippolyte Boulenger acquiert, en 1889, terrain rue de Paradis, à proximité des cristalleries Saint-Louis et Baccarat. En 1892, le nouveau bâtiment à la façade néorenaissance mâtinée d'Art Nouveau, ouvre ses portes. Spectaculaire vitrine des riches productions Boulenger.






À la fin du XIXème siècle, la faïencerie H. Boulenger & Cie signe un marché important auprès de la CMP, la Compagnie du métropolitain parisien dont la première ligne sera inaugurée à l'occasion de l'Exposition Universelle de 1900. L'entreprise obtient la production d'un tiers des carreaux de céramique biseautés qui composent le revêtement des stations. Le tiers restant est fabriqué par la manufacture de Gien. Dans les années 1930, la production du modèle Métro atteint 40 000 carreaux au quotidien. Au cours du XXème siècle, la faïencerie Hippolyte Boulenger emploie jusqu'à 1500 ouvriers. La réputation se nourrit de cette production de masse ainsi que du succès d'une palette chromatique particulièrement éclatante sur les rouges et les oranges destinées aux conceptions plus raffinées. 

En 1952, l'usine de Choisy-le-Roi est rasée pour faire place à une dalle commerciale à l'occasion des rénovations du centre-ville. En 1967, de l'Établissement Boulenger, entreprise de revêtements, ne demeure que l'annexe de la rue Pujol, dédiée à l'origine au département des services de pose. Aujourd'hui, la société Boulenger, établie à Villetaneuse, s'est spécialisée dans les revêtements spéciaux par coulage dérivés de la technique Granilastic destinés aux bâtiments publics. Elle continue en parallèle de proposer des carrelages, des revêtements plastiques et des moquettes.






Sous l'impulsion de l'Union centrale des Arts décoratifs, en 1978, le bâtiment du 18 rue de Paradis devient le Musée de l'Affiche, dirigé par Alain Weill, critique d'art, expert de l'affiche et collectionneur. Rénovation et aménagement des lieux sont confiés à Jean Prouvé. L'institution évolue et devient Musée de l'Affiche et de la Publicité. Elle demeure dans le Xème arrondissement jusqu'en 1987, avant d'être déplacée au Louvre dans l'aile Rohan où elle rouvre en 1990. 

L'ancien édifice de la Maison H. Boulenger & Cie est racheté en 1991 par Raphaël Doueb (1940-1998), vice-président de la fondation France-Libertés, figure du Magazine Actuel de son ami Jean-François Bizot, promoteur immobilier. Au 18 rue de Paradis, il inaugure, en 1992, une galerie, "Le Monde de l'art", aménagée par l'architecte Bernard Bourgeois, locaux disponibles à la location où se tiennent également des soirées privées. A la disparition de Raphaël Doueb, le bâtiment devient un temps la Galerie Paradis, lieu dédié à l'évènementiel, manifestations culturelles, défilés, soirées. 






De 2011 à 2021, le 18 rue de Paradis est repris par l'entrepreneur Adil Houti qui transforme l'endroit en maison hantée pérenne, le Manoir de Paris, entre spectacle vivant, visites théâtralisées interactives et frissons toute l'année. La pandémie met fin à l'aventure.

A la rentrée 2022, ouvre dans un décor digne de Poudlard, l'Albert School, école spécialisée dans les business data, fondée par Grégoire Genest, dont investisseur principal est l'homme d'affaires, Xavier Niel.

Maison Boulenger faïencerie
18 rue de Paradis - Paris 10
Métro Château d'eau ligne 4 / Gare de l'Est lignes 4, 5, 7



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette
Le guide du promeneur 10ème arrondissement - Ariane Duclert - Parigramme