Expo : L'Outreligne, Milton Becerra et Pancho Quilici - Maison de l'Amérique Latine - Jusqu'au 22 juillet 2023

Milton Becarra - Irradiation de l'énergie (2023)
 

Milton Becerra et Pancho Quilici, deux artistes vénézuéliens, arrivés à Paris dans les années 1980, conjuguent leurs pratiques plastiques à l'occasion de l'exposition "L'Outreligne" à la Maison de l'Amérique Latine jusqu'au 22 juillet 2023. La commissaire d’exposition Christine Frérot, historienne de l'art spécialiste du Mexique et de l'Amérique Latine, a imaginé un parcours qui illustre une certaine communauté d’esprit. " Tressages de Becerra, maillages de Quilici ", faisceaux de lignes, réseaux de trames, les deux univers habités par la géométrie cohabitent avec évidence. Les oeuvres caractérisées par des volumes singuliers, des structures fortes associés à la finesse de dentelle des détails entrent naturellement en résonance. Milton Becerra et Pancho Quilici partagent des références scientifiques similaires. Démiurges tour à tour rigoureux et fantasques, ils ordonnent des mondes inconnus, des constellations nouvelles. S'ils ouvrent des espaces d’expression en s'appuyant sur des médiums traditionnels peintures, mosaïques, dessins au pastel, au graphite, ils se servent volontiers de l'ordinateur pour concevoir les modèles mathématiques qui ordonnent ces univers imaginaires. A sa façon unique, chacun construit une réflexion aussi bien plastique qu’existentielle, philosophique qu'expérimentale. Marqués par l'héritage artistique de leur pays notamment l’esthétique du mouvement cinétique, ils puisent des ressources visuelles dans les phénomènes optiques, les trompe-l’œil du mouvement, les impressions paradoxales de légèreté et de solidité.  


Pancho Quilici - Le Grand Plongeon (2022-23) / Tunnelscope (2023)

Pancho Quilici - Un essai divergent

Pancho Quilici 

Pancho Quilici

Pancho Quilici - Le Grand Plongeon (2022-23)


Le temps d’une exposition commune, Milton Becerra et Pancho Quilici font vibrer la MAL. L'institution consacre une salle à l'œuvre créée spécifiquement pour l'occasion. Chaque pièce du parcours marque une étape dans l'évolution des artistes, souligne les échos, les contrastes, les différences. La production conjointe, installation pensée et réalisée ensemble se place en point d'orgue de la monstration. 

Père français, mère italienne, Pancho Quilici nait en 1954 à Caracas. Après le collège français de Caracas, il débute des études dans une école d'architecture mais se réoriente rapidement. Il intègre la Fondation Neumann, Institut de design de Caracas, où il suit les cours d’enseignants proches du Bauhaus. Formation déterminante, il est diplômé en 1978. Sculpture, sérigraphie, peinture, gravure, il est remarqué par la galerie Minotauro à Caracas qui expose son travail. En 1980, il décide de s'installer à Paris. Désormais, il vit et travaille à Arcueil. 

Pancho Quilici cartographie des univers invisibles, conçoit des cosmos imaginaires, inhabités, sans repères spatio-temporels. Il multiplie les aller-retours entre l’architecture et les formes naturelles. Ce chaos pensé s'inscrit dans des structures géométriques minutieuses, espaces infinis étranges. Cercles et lignes droites, tracés hyperboliques sont traversés par des ondes, presque un vacillement, un mouvement. Pancho Quilici combine effets calculés et fruits du hasard, des aléas matériels.  A la Maison de l'Amérique Latine, il présente deux oeuvres importantes réalisées pour l'exposition, « Le Grand Plongeon » douze dessins au pastel et graphite sur papier, rêverie abyssale, et "Tunnelscope", installation de miroirs d’acrylique et d’acier, sculpture "relationnelle", expérience visuelle.


Pancho Quilici - Construction en dérive (2018)

Pancho Quilici

Pancho Quilici - Sans titre (2013)

Pancho Quilici - Transition (2023) / 

Pancho Quilici - Non vérifié (2013-14)


Cette logique abstraite détachée de l’espace et du temps se retrouve également dans le travail de Milton Becerra. Né en 1951 à Colon au Venezuela, il sort diplômé de la Cristobal Rojas Technical School of Visual Arts de Caracas en 1972. Assistant de Jesus Rafael Soto et Carlos Cruz Diez, de 1974 à 1980, son vocabulaire plastique est influencé par l’art cinétique et l’Op-art vénézuélien. A travers ses premières oeuvres, il explore les principes du « White Cube » de Malevitch dans des compositions mathématiques marquées notamment par les théories de la couleur du recueil « Le Tractatus logico-philosophicus » (1921) de Ludwig Wittgenstein. 

Pionnier du Land art dans les années 1970, Milton Becerra rejoint Paris dans les années 1980. En France, il développe un intérêt particulier pour les sociétés préhispaniques, les pratiques artistiques ancestrales, l'artisanat comme les techniques de tissage. Les objets traditionnels répondent d'une esthétique empreinte d'abstraction géométrique. Désormais, il vit et travaille entre Paris et Miami. 


Pancho Quilici - Influence des liens (2018)

Milton Becarra - La Reine (2022) / Sceptre de pouvoir (1988)

Milton Becarra - Pentagramme (1993)

Milton Becarra - Piédestal (1974)

Milton Becerra - Hexagonométries (1972)


Conception cosmogonique du monde et calculs mathématiques, « géométrie habitée », Milton Becerra introduit des interactions ludiques d’éléments inattendus, minéraux, pierres de rivière, cordes tressées traditionnelles, fragments d’artefacts préhispaniques, placés au centre d’un faisceau de lignes qui se croisent. Architecture du monde, trame de l’univers, son langage visuel s'inspire des liens entre individus et environnement dans une pratique aux résonances écologiques et spirituelles. 

Ses oeuvres expriment la dualité du Venezuela contemporain. Les grandes villes modernes, les gratte-ciels, leur esthétique brutaliste rencontrent l’héritage des peuples autochtones de la forêt amazonienne basé sur le principe de coexistence apaisée avec la nature. Mémoire qui refuse de disparaître. 


Milton Becarra - Irradiation de l'énergie (2023)





Cordages tressés ou fils de nylon scandent ses installations immersives aériennes et rayonnantes au coeur desquelles se trouvent, source du rayonnement visuel, des éléments variés. Pour « Irradiation de l’énergie », installation in sitù à la MAL, Milton Becerra place un morceau de quartz sélénite au centre d’un dispositif de fils de nylon. Ces espaces tridimensionnels sont conçus sur ordinateur. Le principe de suspension, qui consiste à soulever des pierres de plusieurs kilos avec des fils d'apparence si fragile, nécessite d'interroger la portabilité. Les structures complexes répondent à des principes de physique pour tenir l'ensemble. En parallèle, les trajectoires qui produisent les effets d'optique sont calculées avec une précision toute mathématique, mouvement simulé. A la structure mathématique des formes de la nature, Milton Becerra associe les motifs des rituels chamaniques, initiation à la géométrie sacrée. Il traduit l'énergie de l’univers en superposition de lignes. Les entrelacs produits par un geste répétitif ouvrent des champs d’énergie.  

L’Outreligne
Jusqu’au 22 juillet 2023

Maison de l’Amérique Latine 
217 boulevard Saint-Germain - Paris 7
Tél : 01 49 54 75 00
Horaires des galeries d’exposition : Du lundi au vendredi de 10h à 20h - Le samedi de 14h à 18h



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.