Expo Ailleurs : Florian Fouché. Manifeste assisté - CRAC Occitanie - Sète - Jusqu'au 29 mai 2023

 

Au Crac Occitanie, le plasticien Florian Fouché présente "Manifeste assisté" la suite de "Manifeste Janmari", ensemble d'expérimentations sculpturales et performatives. Son travail s'inspire des notions développées par l'éducateur et écrivain Fernand Deligny dans le cadre de son réseau d'accueil des enfants autistes dans les Cévennes, de 1963 aux années 1990. Deligny rencontre Janmari, jeune garçon autiste mutique, en 1967. Les interactions avec l'enfant lui inspirent de nouveaux concepts de prise en charge. Dans le cadre des centres désignés sous le terme d'"aires de séjour", l'éducateur renverse les préceptes médicaux de l'époque en choisissant d'intervenir sur l'environnement pour l'adapter aux patients autistes, à leurs "modes d'être", et renonce à tenter de réformer leur comportement. L'exposition "Fernand Deligny, légendes du radeau" qui se tient en parallèle au Crac Occitanie décrypte en détails ce projet.

"Manifeste assisté" rend compte de l'expérience personnelle menée par Florian Fouché aux côtés de son père, hémiplégique depuis un accident vasculaire cérébral en 2015. Philippe Fouché se déplace en fauteuil et vit dans des institutions spécialisées, hôpitaux, SSR, Ehpad. Depuis 2020, au sein de ces lieux médicalisés, Florian Fouché mène ce qu'il nomme des "actions proches". Le vocable dérive de la terminologie développée par Fernand Deligny. Les "présences proches" étaient les accompagnants non spécialisés qui encadraient le centre de Monoblet. Pratique artistique et vie intimement intriquées, Florian Fouché intervient sur l'environnement de son père par des gestes, des déplacements, la manipulation d'objets. Son objectif est d'"intensifier sa relation avec des espaces aménagés pour le soin, devenus les lieux d’une vie de famille". Cette expérimentation contemporaine entre en échos avec l'aventure initiée par Fernand Deligny des années 1960 aux années 1990. 








Florian Fouché a présenté les premiers fruits de ses recherches au sein du 10-rue-Saint-Luc l'atelier des éditions L’Arachnéen, maison qui a réédité l'intégralité des oeuvres de Fernand Deligny, à Bétonsalon – Centre d’art et de recherche, au MoMA Virtual Cinema, au Centre Pompidou Metz et à la galerie Parliament. Au Crac Occitanie de Sète, il poursuit sa réflexion sur la fonction cathartique de l'art dans des milieux thérapeutiques en rapprochant les figures de Janmari et Philippe. Les images de l'intimité entre père et fils expriment ce que le plasticien décrit ainsi : "Nous sommes tou·tes à la fois des assisté·es et des assistant·es. Tout le monde, toute puissance ou impuissance." 

Sans scénario préécrit, ni volonté de récit, le processus d'intervention sur l'environnement mis en place par Florian Fouché questionne le rapport à la différence, au corps empêché. Avec la notion de "rééducation sauvage", il détourne le vocabulaire médical, se réapproprie le terme de rééducation perçu de façon négative. Philippe Fouché, en fauteuil, participe aux actions menées par son fils, s'implique dans le processus. En parallèle, ils nouent un dialogue avec les soignants afin de mettre au point des prototypes détachés de la notion de thérapie, inscrits dans la simple expérience physique. 








Florian Fouché explore les possibilités d'identification à l'autre, réfléchit par ce biais aux relations dynamiques entre les personnes, choses et les environnements de vie. Il tente de se mettre à la place d'une infirmière en grève, de quelqu'un qui ne peut pas marcher, et par ses contorsions, devient même des choses, un objet qui roule, une fourchette qui tourne, des assiettes en équilibre. En parallèle, il expérimente les formes de la photographie documentaire. Par le biais de ces propositions, Florian Fouché se penche sur les enjeux du care, de l'inclusion, décrypte les sensations nées de l'impuissance, de l'invisibilisation. La proposition artistique radicale, embrasse les notions d'empathie, de partage et vient souligner leur dimension politique. 

Dans le cadre de l'exposition qui se tient au Crac Occitanie, Florian Fouché a imaginé des environnements en incorporant objets de la sphère médicale, "reliques" détournées, accessoires, sculptures en suspensions. Jeux d'échelles et de scénographie, il constitue des zones de visionnage où les vidéos des "actions proches", trente-sept filmées durant la pandémie, sont diffusées sur des écrans.








A ce travail particulier, s'ajoutent trois films. "Philippe" évoque la vie en institution et la complexité des déplacements en fauteuil. "Mémoire aberrante (roman cubiste de la Tentative)" évoque la mémoire de Janmari au sein du réseau de prise en charge des enfants autistes de Fernand Deligny. "Vie assistée, vie institutionnelle, vie (ré)éduquée", tourné dans l'espace de l'atelier Brancusi à Paris met en scène le père en fauteuil électrique poussant son fils nu assis sur une chaise à roulettes. 

Florian Fouché. Manifeste assisté
Jusqu'au 29 mai 2023

Crac Occitanie
26 quai Aspirant Herber - 34200 Sète 
Tél. : +33 (0)4 67 74 94 37
Horaires : Lundi, mercredi à vendredi de 12h30 à 19h - Samedi et dimanche de 14h à 19h - Fermé le mardi



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.