Ailleurs : Le Volcan, Espace Oscar Niemeyer, oeuvre majeure du grand architecte brésilien - Le Havre

 

Le Volcan, espace culturel Oscar Niemeyer inauguré en 1982 dresse ses deux cônes blancs au cœur du Havre. Ils évoquent, d’après l’architecte brésilien, auteur de l’ouvrage, la cheminée d’un transatlantique. Echos de l’histoire, mémoire de la ville. En 1972, la municipalité du Havre sollicite l’architecte Oscar Niemeyer (1907-2022), en exil en France, afin de dessiner la future Maison de la Culture du Havre. La première pierre est posée en 1978, le chantier s’achève quatre ans plus tard. Le Volcan est l’une des cinq grandes œuvres d’Oscar Niemeyer dans l’Hexagone parmi lesquelles se trouvent le Siège du Parti communiste français (1965-1980) à Paris, la Bourse Départementale du Travail de la Seine-Saint-Denis de Bobigny (1974-1978), le siège du quotidien L'Humanité à Saint-Denis (1989), les Bureaux Niemeyer I, II, ancien siège de la Société générale à Fontenay-sous-Bois (1992). L’ensemble longtemps décrié avait été surnommé « le pot de yaourt » par les Havrais avant d’être rebaptisé le Volcan en 1991 sous l’impulsion d’Alain Milianti, nouveau directeur du centre. A cette date, le théâtre maison des jeunes devient la Scène nationale du Havre. L’espace culturel s’illustre par la qualité des représentations théâtrales et musicales, des spectacles de danse et de cirque ou encore d’art numérique. A partir de 2011, le site fait l’objet d’une vaste campagne de restauration et de réaménagement. Rendu au public le 7 janvier 2015, le Volcan repensé affirme désormais pleinement son statut d’icône havraise. 








La cité portuaire du Havre, rasée par les bombardements des forces Alliées en 1944, a été entièrement reconstruite au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale par l’architecte Auguste Perret. La cohérence du patrimoine architectural a valu au centre-ville une inscription au patrimoine mondial de l’Unesco en 2012. L’aventure d’Oscar Niemeyer en terre normande participe du prestige havrais et de sa réputation de modernité. 

En 1964, la gente militaire prend le pouvoir au Brésil et établit une dictature. Du fait de ses engagements politiques - il est membre du Parti communiste - Oscar Niemeyer est contraint à l’exil en France, exil qui durera près de vingt ans. A l’invitation en 1972 de la ville du Havre, il conçoit un espace culturel inédit. Dans le prolongement du Bassin du Commerce, il imagine une vaste esplanade, véritable invitation à la promenade. Le site vaste de près de douze-mille mètres carrés, culmine à vingt-deux mètres avec le Grand Volcan. Inauguré le 18 novembre 1982, il illustre les réflexions plastiques et les préceptes esthétiques revendiqués par Oscar Niemeyer, jeu d’opposition d’échelles, de masses, de niveaux.  

L’architecte inscrit son projet dans le cadre strict d’une place carrée, de cent-vingt mètres de côté, entourée au sud, au nord, à l’ouest de bâtiments signés Auguste Perret, immeubles à trame orthogonale. Entre recherche harmonie avec l’ensemble originel et rupture esthétique de la courbe, Oscar Niemeyer fait dialoguer la souplesse du béton avec les lignes droites, le classicisme structurel de l’atelier Perret. Deux visions du béton. Contrepoint fluide, liberté de la forme, le Volcan répond à la sensibilité organique de l’architecte brésilien : « Ce n'est pas l'angle droit qui m'attire, ni la ligne droite, dure, inflexible créée par l'homme. Ce qui m'attire c'est la courbe libre et sensuelle ». 









Performance technique, architecture en mouvement, l’ensemble explore le potentiel du matériau favori du maestro brésilien. Le site aura nécessité près de quarante-mille mètres cubes de béton. Dessiné selon le principe d’un forum en contrebas, l’Espace Niemeyer multiplie les points de vue. Lors de la construction, le creusement, cent-quinze-mille mètres cubes de terrassement, imprime en creux la future forme du site. Un batardeau fermé par une enceinte constituée de parois moulées haute de vingt-deux mètres se dresse sur environ un hectare. Il retient nappes maritime et phréatique et préserve le site des infiltrations. Deux-cent-trente-neuf pieux de fondation assurent l’assise de l’ensemble.

Sur la grande dalle posée à 3,70 mètres en dessous du niveau de la ville, se déploie la place basse accessible par des jeux de rampes piétonnes, deux larges en pente douce et une troisième en spirale. Deux bâtiments circulaires, le Grand Volcan la salle polyvalente, le Petit Volcan le théâtre devenu médiathèque depuis le chantier de rénovation mené entre 2011 et 2015, scande l’espace central. Accueil et renseignements, restaurants, garderie, boutiques s’abritent sous des marquises de béton. La dalle en cantilever au niveau de la ville dessine vu du ciel une colombe très picassienne. Elle suit l’ondulation d’un large auvent lequel marque la circulation protégée des piétons en contrebas. Le dispositif suggère un surgissement des deux volumes blancs monumentaux, volcans de béton, forces telluriques métaphoriques.









Espace culturel sans porte sur la rue, sans enseigne afin de préserver dépouillement de la façade, le site se compose de deux volumes en superstructure, aux façades extérieures revêtues de Revcoat blanc. L’enveloppe de béton en coque dissimule un coffrage extérieur et intérieur en panneaux à parement planches fixé sur ossature métallique à géométrie variable. L’oeuvre « Los Passaros » les oiseaux de Marianne Peretti restaurée en 2019 anime le parvis d’accès de la place haute. La plasticienne et l’architecte ont collaboré sur de nombreux projets parmi lesquels les vitraux de la cathédrale de Brasilia 

Sur la façade du Grand Volcan, Oscar Niemeyer a placé une curieuse sculpture-fontaine, main fraternelle moulée sur celle de l’architecte, surmontée d’une citation : « Un jour, comme cette eau, la terre, les plages et les montagnes, à tous appartiendront ». Volume paraboloïde hyperbolique, à savoir hyperbole contenue dans un plan vertical, l’édifice se composent de cercles horizontaux de diamètres variables dont le centre se trouve sur l’hyperbole. 

A l’intérieur de l’édifice de 6470 mètres carrés, Niemeyer a privilégié l’épure du béton banché. La proposition esthétique d’un matériau brut paraît encore déroutante de nos jours. Le grand hall de réception, bas de plafond, est ponctué par deux bars, une vague, un cercle. A l’origine la salle de spectacle tapissée de moquette comporte mille-deux-cents places. Après réaménagement, remodelée, la jauge est réduite à huit-cent-vingt places et le bois remplace la moquette. Les meurtrières de la salle polyvalente percent de rares ouvertures de lumière naturelle diffusé dans les halls, le foyer-bar, les bureaux. Le Petit Volcan volume de révolution symétrique a été conçu en hyperboloïde, dont les parois empruntent des courbures variables.







Au début des années 2010, le maire du Havre Antoine Rufenacht rencontre Oscar Niemeyer à Rio afin de s’entretenir d’un projet de restauration du Volcan. L’architecte inscrit au cahier des charges seulement deux exigences : ne pas toucher aux deux volumes des volcans et préserver le dessin de la colombe. Libre aux maître d’ouvrage de réaménager l’intérieur. L’accord d’Oscar Niemeyer obtenu, le chantier de réaménagement sous la houlette de l’architecte Dominique Deshoulières débute en 2011. L’enjeu principal demeure le même qu’en 1972, l’inscription du site dans la ville. Le budget atteint 33,6 millions d’euros, 25 millions d’euros pour le Grand Volcan à lui tout seul et un million dédiés aux aménagements modernes. 

La place conçue à l’origine comme un espace clos est ouverte, l’accessibilité revue. La rampe hélicoïdale reliant les places haute et basse est reconstruite en sens inverse. Les dalles de granit breton remplacent les sols extérieurs de béton. L’agence Traces, paysagiste-urbaniste, propose une végétalisation. La mise aux normes de sécurité s’attache à transformer les portes hydrauliques qui posaient problème. Un système de géothermie prend en charge le bâtiment très énergivore, chauffé jusque-là à l’électrique.

A l’intérieur, la moquette datée, disparaît au profit du bois, tout en perpétuant l’idée d’équilibrer la froideur du béton et de choisir un matériau simple. La scénographie est repensée par Thierry Guignard, l’éclairage par la société Luminocité. Rémi Raskin de l’agence Capri Acoustique se charge de l’amélioration de l’acoustique de la salle de spectacle du Grand Volcan. Le Petit Volcan, ancienne salle de spectacle, se transforme en médiathèque. Le toit opaque est remplacé par une verrière. Quatre fenêtres sont percées à la base de l’édifice.

Le Volcan d'Oscar Niemeyer
Scène nationale du Havre
8 place Oscar Niemeyer - 76600 Le Havre
Tél : 02 35 19 10 20



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.