Paris : Siège du Parti Communiste, oeuvre emblématique de l'architecte brésilien Oscar Niemeyer, vocation culturelle de l'Espace Niemeyer - XIXème

 

Le Siège du Parti communiste français, son immeuble vague recouvert d’une double façade de verre fumé et son iconique coupole blanche qui semble émerger de la colline, est l’oeuvre d’Oscar Niemeyer (1907-2012). Edifice emblématique du mouvement moderne à Paris, il s’agit de la réalisation la plus importante en France du grand architecte de Brasilia, capitale administrative brésilienne. Militant engagé bénévolement auprès du Parti communiste français, Oscar Niemeyer est mandaté pour dessiner les nouveaux locaux de l’organisation politique, qui se dresseront place du Colonel Fabien à l’angle du boulevard de la Villette et de l’avenue Mathurin Moreau. Il esquisse les plans d’une « maison du travailleur », représentative du « monde sans préjugé et sans injustice qui est l’objectif du PCF » dès 1965. Avec la collaboration des architectes Paul Chemetov, Jean Deroche, Jean-Maur Lyonnet et des ingénieurs, Jean Prouvé (1901-1984) et Jacques Tricot, une première campagne de construction est menée entre 1968 et 1971. Elle donne naissance à l’édifice en S, inauguré en 1971, dont la façade est couverte d’un mur-rideau de verre fumé, technique mise au point dès 1924 par Jean Prouvé. La coupole, le parvis et le hall souterrain, finalisés entre 1979 et 1980, complètent l’ensemble. Le Siège du Parti Communiste est classé aux Monuments historiques par arrêté du 26 mars 2007. Le Hall de la classe ouvrière, rebaptisé Espace Niemeyer, accueille désormais de nombreux événements culturels. Le site est accessible au public à l’occasion des expositions ou des journées du patrimoine.











Au milieu des années 1960, le Parti Communiste Français, à l’étroit dans ses locaux du 44 rue Le Peletier dans le IXème arrondissement, donne une carte blanche à Oscar Niemeyer, pour édifier le nouveau siège. L’architecte revendique depuis toujours son engagement politique. « Je suis un être humain comme tous les autres, qui aimait dessiner et est devenu architecte. Un architecte qui a passé sa vie, penché sur sa table, mais qui comprend et qui répète que la vie est plus importante que l'architecture. Pour donner à l'architecture le contenu humain qui lui manque, l'important est de participer à la lutte politique. Je considère aussi l'architecture comme quelque chose de secondaire dans le monde injuste où nous vivons. ».

Pour la construction du nouveau siège d’un parti à son apogée, le choix de l’emplacement est stratégique. Ce sera Belleville, un quartier populaire, foyer historique de contestation ouvrière. Le terrain de cinq-mille mètres carrés dévolu à la future construction se trouve place du Colonel Fabien, pseudonyme de Pierre Georges résistant communiste. « Le siège du PCF constituera dans cette ville, un exemple d'architecture contemporaine, un point d'attraction et de tourisme. Un bâtiment aux formes nouvelles, simple sans finitions luxueuses et superflues. La maison du travailleur. Et le siège du PCF ne sera pas simplement un bon exemple d'architecture, mais une marque de la société socialiste. » confie Oscar Niemeyer. La silhouette monumentale du nouveau Siège du Parti Communiste illustre alors la puissance d’un parti politique qui rassemble à cette époque jusqu’à six-cent-mille adhérents et recueille 21% des suffrages exprimés lors des élections présidentielles de 1969 avec la candidature de Jacques Duclos. 











L’architecte brésilien imagine un bâtiment de six étages en courbe, caractéristique du style Niemeyer. L’édifice est surélevé sur des piliers de béton massif qui induit une impression aérienne de flottement, de légèreté paradoxale. Il masque grâce à ce mouvement d’ondulation l’ensemble hétéroclites des bâtiments situés à l’arrière. La façade de verre fumé reflète le ciel et la course des nuages. « Contempler les nuages a toujours constitué ma distraction favorite. J'y voyais des cathédrales, des guerriers, des animaux et toutes sortes de choses fantastiques. Ce n'est pas l'angle droit qui m'attire, ni la ligne droite inflexible créée par l'homme. Ce qui m'attire, c'est la courbe libre et sensuelle, la courbe que je rencontre dans les montagnes de mon pays, dans le cours sinueux de ses fleuves, dans le nuage du ciel, dans le corps des femmes. Tout l'univers est fait de courbes. » 

Le positionnement en fond parcelle amplifie les volumes de la place du Colonel Fabien. La disposition élargit la perspective dégageant le terrain du parvis « jeu de formes, de colonnes et d’espaces libres qui est la véritable architecture » selon l’architecte. En guise de belvédère, la terrasse aménagée de gradins couvre les installations de climatisation. Oscar Niemeyer envisage une fluidité de la forme, une idée de mouvement émancipé. « Si nos architectes ont subi, comme tous ceux de notre génération, l'influence de Le Corbusier et de son architecture, ils s'en sont peu à peu dégagés sous l'attrait d'une architecture plus libre. Ils ont invité les spécialistes du béton armé, à pénétrer dans ce monde de la fantaisie que constitue la liberté plastique, les obligeant à suivre sans crainte le tracé architectural. Les travées s'agrandirent, les colonnes devinrent plus fines, l'architecture se fit plus légère. » 

Le grand hall semi-enterré s’articule autour de la structure initiale des cinq piliers. « Le siège du parti posait problème du fait que l'espace était limité. Dans un cas de cette nature le rapport entre les volumes et les espaces libres devient fondamental. En effet quand il y a trop de volume sur un terrain exigu, il n'y a plus de spectacle architectural, tout devient laid. Comme je voulais donner de l'ampleur au hall de la classe ouvrière, j'ai été obligé de le faire en profondeur, de l'enfouir dans le sous-sol pour ne pas occuper trop de terrain. » dit Oscar Niemeyer.










Courbes et jeux de lumière, l’utilisation du béton brut, les traces apparentes d’un labeur ouvrier industrieux, marque le style architectural de ces espaces. L’emblématique moquette vert gazon au poil ras contraste avec cette énergie tellurique. Le premier niveau ouvre sur le foyer et l’entrée des locaux du Parti Communiste. Le deuxième accueille le Hall de la classe ouvrière, mille mètres carrés devenus l’Espace Niemeyer où se trouvent bureaux, salles de réunion et vastes couloirs d’exposition. Il donne accès à la salle de réunion de deux-cent-soixante-cinq places du Comité central aujourd’hui Conseil national dont le dôme est visible de l’extérieur. La voûte spectaculaire se compose de milliers de lamelles d’aluminium ionisé peintes en blanc. Cette disposition confère une lumière et une acoustique particulière au lieu, une atmosphère soulignée par l’esthétique très rétro-futuriste de ce vaisseau spatial aux portes coulissantes. Le troisième niveau dispose d’autres bureaux ainsi que de salles d’archives.

Durant la Guerre froide qui se prolonge jusqu’en 1989, de nombreuses légendes et rumeurs urbaines s’attachent à ce bâtiment. Il dissimulerait dans ses profondeurs un abri antiatomique, ou bien des chars soviétiques conservés en pièces détachés avant une grande intervention de prise de Paris. En 1972, le Siège du Parti Communiste fait partie des lieux où se prépare la signature du Programme commun, programme d’union des gauches entre le Parti communiste de Georges Marchais, le Parti socialiste de François Mitterrand, les radicaux de gauche de Robert Fabre. Avec la perte d’influence du Parti Communiste, le désamour des électeurs et la raréfaction des adhérents dès la fin des années 1980, des solutions inédites sont envisagées afin de réunir les fonds nécessaires au fonctionnement du parti et à l’entretien de l’édifice classé aux Monuments historiques en 2007.






En novembre 2000, Robert Hue, secrétaire national du Parti, autorise l’organisation du défilé Prada dans le décor unique de la salle du Comité central. Cette soirée évènement marque un tournant et créée la polémique. Presque dix ans plus tard, Marie-George Buffet valide en 2009 de nouvelles sources de financement en louant le deuxième étage du bâtiment principal à une agence d’architecture, un studio de design et une maison de production. 

Depuis le milieu des années 2010, le Siège du Parti Communiste est devenu un lieu privilégié de culture. L’Espace Niemeyer présente expositions événements, concerts, projections et conférences et accueillent défilés de mode, tournages de films, de séries ou de clips - Alain Souchon ou Angèle en 2018.

Siège du Parti Communiste français - Espace Niemeyer
2 place du Colonel Fabien - Paris 19



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Guide de l’architecture moderne à Paris 1900-1990 - Hervé Martin - Editions Syros Alternatives
Le guide du patrimoine Paris - sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette
Le guide du promeneur 19è arrondissement - Elisabeth Philipp - Parigramme