Paris : Passage du Moulinet, coquette ruelle à la lisière de la Butte aux Cailles - XIIIème



Lieu préservé d'un arrondissement tout en contrastes où la modernité de l'urbanisme prévaut, la Butte aux Cailles avec son dédale de jolies ruelles, ses coquettes bicoques, séduit par ses allures de village heureux. Sur les contreforts de la Butte, une ancienne impasse devenue passage lors du percement de la rue de Tolbiac en 1875, s'amuse d'une esthétique variée et pourtant cohérente mêlant maisons d'architecte récentes et pavillons de ville originels, revisités par les propriétaires successifs. Dans le quartier de Maison-Blanche, le passage du Moulinet doit son nom à la rue voisine baptisée en l'honneur d'un petit moulin qui se trouvait à l'angle de l'avenue d'Italie. La venelle au charme si typique trotte gaiement sur les pavés. Dans la continuité de l'insolite passage Vandrezanne, cette pittoresque ruelle piétonne, est bordée de petits immeubles et de maisonnettes qui se cachent derrière des jardinets. Paris miniature a des airs d'avenante province.









La singularité architecturale d'un quartier au cœur de la ville, doté de constructions modestes s'explique par l'histoire du XIIIème arrondissement. En 1720, la Butte aux Cailles, du nom des anciens fermiers qui y résidaient, est desservie par les chemins du Moulin des Près et de Croulebarbe menant à deux moulins à eau puisant leur force de la Bièvre. Peu accessible, elle est très champêtre. A partir de 1750, sont implantés des moulins à vent sur le sommet de la Butte aux Cailles et le plateau de l'actuelle avenue d'Italie. Dès 1760, ils sont au nombre de neuf produisant essentiellement de la farine. Malgré le développement de cette activité, la Butte reste sauvage.

En 1850, quasiment vierge de construction, la Butte aux Cailles ne compte que quelques corps de ferme fort ainsi qu'un certain nombre de baraques de planches et de torchis à l'entrée des carrières. En 1860, l'annexion de cette partie de Gentilly à Paris laisse supposer un début d'urbanisation. De l'ordre du frémissement. Les rues sont progressivement pavées. De rares immeubles de rapport de trois à quatre étages sont prudemment construits sur des terrains dont les sous-sols fragilisés par les anciennes carrières rarement bien comblées, inquiètent les architectes.









Enclavée entre la Bièvre et le boulevard d'Italie - aujourd'hui Auguste Blanqui - les édifications demeurent restreintes et l'expansion se fait attendre. De 1900 à 1910, la disparition programmée de la rivière devenue un égout à ciel ouvert du fait de la pollution des nombreuses industries - teinturerie, tannerie, blanchissage - le remblaiement de son lit et le comblement de la vallée marque un tournant dans l'urbanisation. Pour le meilleur et pour le pire aussi avec des projets qui dès les années 1950 changeront radicalement l'esthétique urbaine de l'arrondissement. Une radicalisation de la modernité à laquelle la Butte aux Cailles a partiellement échappé pour le plus grand bonheur des flâneurs amoureux de la ville.

La rue du Moulinet, précédemment sentier du Moulinet et passage du Moulinet est classée dans la voirie de Gentilly par arrêté du 5 octobre 1857. En 1875, dans la lignée des grands travaux d'Haussmann, la rue de Tolbiac voit le jour ouvrant la ruelle sujet de cet article. Les constructions de faible hauteur ont peu changé depuis cette époque et les parcelles n'ont que peu évolué. Pas de voitures, jolies façades et végétalisation donnent au passage du Moulinet un sentiment de quiétude hors de la ville pourtant au bout de la rue. Au numéro 5, une intéressante villa planquée dans l'exubérance de la glycine refuse de donner ses secrets. 








Au numéro 6, une maison contemporaine, édifiée en 2007 sur les plans de l'architecte P. Katz , ose les volumes et les matériaux pour un rendu des plus singuliers. Au numéro 8, la Fondation du Patrimoine Ile de France, organisme national privé indépendant, oeuvre à la connaissance, à la conservation et à la mise en valeur du patrimoine protégé par l'Etat. Au numéro 13, un pavillon d'habitation flanqué d'un atelier sur terre plein a conservé ses allures de jeunesse, laquelle remonte à 1885. Les maisonnettes au 7, au 9, au 10 ou encore au 12 rivalisent de charme.

En revenant de la Butte aux Cailles, le passage du Moulinet est amusant à découvrir tant il contraste avec la rue de Tolbiac sur laquelle il débouche, parenthèse de décompression entre la sérénité du village des Cailleux et la fureur parisienne.

Passage du Moulinet - Paris 13
Accès 45-49 rue du Moulinet et 154 rue de Tolbiac



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 


Bibliographie
Le guide du promeneur 13è - Gilles-Antoine Langlois - Parigramme
Paris secret et insolite - Rodolphe Trouilleux - Parigramme

Sites référents