Paris : Immeuble du 151 rue de Grenelle, première réalisation parisienne de l'architecte Jules Lavirotte qui achève le chantier entamé par son confère Firmin Cugnière en 1898 - VIIème



L’immeuble situé au 151 rue de Grenelle, malgré sa sobriété très haussmannienne, porte sur sa façade la signature de l’architecte Jules Lavirotte (1864-1929). Au tournant du siècle, ce maître de l’Art Nouveau à Paris, contemporain d’Hector Guimard, n’a pas encore affirmé son style lorsqu’il reprend ce chantier entamé en 1898 au décès de l’architecte Firmin Charles Désiré Cugnière au début de l’année 1899. L’austérité de la façade sur rue, toute de pierre de taille, est à peine troublée par les courbes fluides des deux travées qui encadrent le bâtiment. La présence de bow-windows, vastes ouvertures vitrées au premier étage, annoncent une modernité à venir. Le décor sculpté des consoles demeure néanmoins fort sage. Seule la porte, bois et ferronnerie, semble revendiquer une réelle influence Art Nouveau. La fantaisie ornementale s’exprime dans des volutes et les curieuses poignées représentant des salamandres dont l’une dévore un épi de maïs. La surprise vient plutôt de la cour intérieure. Invisible depuis la rue, elle se dévoile partiellement depuis le jardin de l’église protestante Saint-Jean voisine. La façade de tuiles vernissées, céramique aux couleurs vives, rose, vert et ocre annonce les expérimentations esthétiques de l’avenue et du square Rapp. 










Les débuts de Jules Lavirotte, né à Lyon, sont laborieux. Pour répondre aux ambitions de son père Alexandre Lavirotte (1825-1897), président de la chambre des notaires de Lyon, il entame péniblement des études de droit et obtient un baccalauréat tardif à l’âge de vingt-et-un ans. Devant le manque d’enthousiasme et de réussite du jeune homme, le patriarche s’incline. Jules Lavirotte commence alors une formation à l’École des Beaux-Arts de Lyon entre 1885 et 1887 au sein de l’atelier d’Antonin Louvier (1818-1892), phase préliminaire interrompue par son service militaire. Il reprend son cursus aux Beaux-Arts de Paris de 1888 à 1894, où il intègre l’atelier de Paul Blondel (1847-1897). 

En 1897, Jules Lavirotte épouse l’artiste-peintre Jane Barbier de Montchenu (1857-1924) dont l’entregent lui sera précieux. Introduit dans les milieux mondains parisiens par cette dernière, il obtient ses premiers engagements et entretient dès lors un très élégant carnet d’adresse. Sa femme l’introduit notamment Benjamin Polaillon (1836-1902) chirurgien honoraire des Hôpitaux de Paris d’origine lyonnaise, lequel sera témoin de mariage de Fernande Barbier (1881-1948), fille de Jane, qui épouse Albert Scheer en 1899.

L’homme confie à Jules Lavirotte son premier chantier parisien dans le quartier du Gros-Caillou avec la réalisation d’un immeuble de rapport au 151 rue de Grenelle. L’architecte Firmin Cugnière en a conçu les plans originaux et déposé le permis de construire. Il décède le 2 mai 1899 laissant le bâtiment inachevé. Jules Lavirotte reprend le chantier débuté en 1898. Il modifie peu les plans, respectant les grandes lignes directrices imaginées par l’architecte qui l’a précédé. Il ajoute quelques courbes en façades et dessine la porte d’entrée, interventions mineures. En revanche, la façade de céramique sur l’arrière-cours semble plus proche de ses réelles aspirations esthétiques.









Grâce à sa stratégie professionnelle très mondaine, Jules Lavirotte acquiert une reconnaissance rapide. A trois reprises, il obtient la médaille d’or au concours de façades de la Ville de Paris : en 1901 avec l’immeuble dit Lavirotte du 29 avenue Rapp, en 1904 avec le Ceramic Hôtel au 34 avenue de Wagram, et enfin en 1908 pour l’ensemble du 23 avenue de Messine et 6 rue de Messine.

Jules Lavirotte mène une carrière d’artiste officiel. Il participe au Salon des artistes français de 1896 à 1913. En 1907, il obtient son diplôme d’architecte et devient membre de la Société des architectes diplômés par le gouvernement (SADG). Par la suite distingué officier d’Académie, Jules Lavirotte reçoit les Palmes Académiques. 

Immeuble de Jules Lavirotte
151 rue de Grenelle - Paris 7



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie. 

Bibliographie
Le guide du patrimoine Paris - Sous la direction de Jean-Marie Pérouse de Montclos - Hachette
Le guide du promeneur du 7è arrondissement - Françoise Colin-Bertin - Parigramme
Curiosités de Paris - Dominique Lesbros - Parigramme
Les Cahiers de la recherche architecturale urbaine et paysagère - Jules Lavirotte (1864-1929) ou l’Art nouveau symboliste - Bruno Montamat