Lundi Librairie : Musée départemental Albert Kahn, transmettre une vision humaniste - Luce Lebart



Livret hors-série édité en format poche dans la collection Gallimard Découverte, « Musée départemental Albert Kahn, Transmettre une vision humaniste » rend compte de l’héritage patrimonial et philosophique légué par le banquier philanthrope Albert Kahn (1860-1940). Après cinq années de travaux qui ont mené notamment à la création d’un nouveau bâtiment par l’architecte Kengo Kuma, l’institution boulonnaise a rouvert au public en avril 2022. L’ouvrage publié à cette occasion rend hommage à l’homme et à ses collections iconographiques comme naturelles. L’amusant livre dépliant s'agrémente de riches illustrations, aperçu des fonds inestimables « Archives de la Planète », photographies récentes du site, images d’archives. Invitation à découvrir la beauté des jardins, introduction propre à piquer la curiosité au sujet des collections, il s’agit également d’une recontextualisation incarnée pleine de surprises. Lucie Lebart, historienne de la photographie, commissaire d’exposition, chercheuse rattachée à la collection Archive of Modern Conflict, y retrace l’histoire d’un humaniste, un autodidacte et un mécène épris des cultures du monde. 







Enfant du XIXème siècle et de la révolution industrielle, Albert Kahn embrasse la transformation radicale de la société et l’essor du capitalisme. Fils d’un marchand de bestiaux alsacien, il rejoint Paris à l’âge de seize. Il fait des débuts dans la banque des frères Edmond et Charles Goudchaux en 1878 tout au bas de l’échelle. Animé par l’ambition il reprend en parallèle ses études interrompues. Peu à peu, Albert Kahn s’élève au sein de la banque jusqu’à devenir principal associé. Dans les années 1890, il fait fortune en spéculant sur les actions des compagnies minières d’Afrique du Sud. Puis il créé son propre établissement bancaire en 1898 et poursuit ses placements financiers en Asie, notamment au Japon. Il consacre une grande partie de sa fortune à des fondations philanthropiques, des bourses de voyage, ainsi que des mécénats destinés à l’enseignement supérieur et à la recherche scientifique. 

Collectionneur avisé, féru de technologies, Albert Kahn se passionne pour le cinématographe, la photographie en relief, le procédé autochrome photographies en couleurs sur plaque de verre. Tout au long de sa vie, il réunit un fonds d’importance « Archives de la Planète » constitué de soixante-douze-mille autochromes et cent heures de films en noir et blanc, la plus importante collection de ce type. Pour abriter ses précieux trésors, il lui fallait créer un lieu unique symbole de diversité, de dialogue noué entre les peuples, d’ouverture aux autres.







Albert Kahn loue puis, rapidement alors que les fonds lui viennent, achète l’hôtel particulier du 6 quai du Quatre Septembre à Boulogne-Billancourt. De 1895 à 1910, il acquiert les parcelles de terrain aux alentours, afin de réunir une propriété vaste de quatre hectares. Il fait appel au paysagiste Achille Duchêne pour dessiner un ensemble de jardins de scène, typiques du XIXème siècle. Illustration de ses principes et de ses goûts personnels, le grand parc se divise en jardin à la française, jardin anglais, jardin japonais, roseraie, forêt vosgienne, forêt dorée, forêt bleue.

Afin de constituer ses collections, Albert Kahn finance lui-même les expéditions de photographes aux quatre coins du monde. A une époque où seuls les très riches ont les moyens de voyager, ces globe-trotters sponsorisés ramènent dans leurs valises des images uniques du Japon, du Bénin, de la Mongolie, d’Irak, de la Serbie, de la Chine. Les « Archives de la Planète » permettent de parcourir les rues de Paris, New York, Sarajevo, Bombay, Le Caire au XIXème siècle.  Autant d’images auxquelles s’ajoutent près de trois-mille portraits des prestigieux invités qui se pressaient chez Albert Kahn pour découvrir ses collections et ses merveilleux jardins.

La crise économique provoquée par le krach boursier de 1929 met fin aux activités banquières d’Albert Kahn. Ruiné, il fait l’objet de saisies. Les jardins et les collections d'images sont rachetés en 1936 par le département de la Seine. Il conserve l’usufruit de sa maison jusqu’à son décès en 1940. 

Musée départemental Albert Kahn, Transmettre une vision humaniste - Luce Lebart - Hors-Série Découvertes Gallimard / musée départemental Albert Kahn / département des Hauts-de-Seine



Caroline Hauer, journaliste depuis le début des années 2000, a vécu à Londres, Berlin et Rome. De retour à Paris, son port d’attache, sa ville de prédilection, elle crée en 2011 un site culturel, prémices d’une nouvelle expérience en ligne. Cette première aventure s'achève en 2015. Elle fonde en 2016 le magazine Paris la douce, webzine dédié à la culture. Directrice de la publication, rédactrice en chef et ponctuellement photographe de la revue, elle signe des articles au sujet de l’art, du patrimoine, de la littérature, du théâtre, de la gastronomie.